Jean-Pierre Chevènement
aux Rencontres du Figaro
Mercredi 11 janvier 2017
Les Rencontres du Figaro recevaient Jean-Pierre Chevènement à la Salle Gaveau.
Alexis Brézet, Directeur des Rédactions du Figaro, a accueilli Jean-Pierre Chevènement en rappelant qu’il avait toujours eu une cohérence intellectuelle, avec une voix singulière et une pensée élevée, plaçant d’emblée cette soirée sous les auspices des nuances que la finesse d’esprit permet.
Vincent Tremolet, rédacteur en chef des pages Débats Opinions du Figaro et du FigaroVox, a quant à lui interviewé l’invité l’amenant à converser librement devant une salle comble.
Jean-Pierre Chevènement, né en 1939, a ainsi confié que c’est l’enseignement qu’il avait reçu en philosophie qui lui avait donné l’audace de penser. Il a très vite senti qu’il souhaitait être au service de son pays, soit en le servant dans l’administration, soit par l’élection. Il a confirmé avoir été très rapidement séduit par de Gaulle, convaincu de la nécessité de la restauration de l’Etat et de son unité.
Ancien élève de l’ENA, il trouve néanmoins regrettable que cette école soit devenue une filière pour les carrières politiques. Il préconise donc de conserver l’ENA comme centre d’apprentissage ou de formation permanente pour les hauts fonctionnaires.
Revenant sur son parcours politique, après son retour d’Algérie dont il confesse être revenu « un autre homme », il eut l’idée de créer un socialisme démocratique. Il a donc fondé le CERES en 1964. Il a ainsi écrit les discours pour François Mitterrand lors de sa campagne de 1965 et a permis, à travers l’appui du Ceres, la réussite du congrès d’Epinay.
Sur les questions constitutionnelles, il est aujourd’hui favorable à un mandat présidentiel de 7 ans pour être garant du long terme. Il se dit toujours fidèle, moyennant quelques ajustements à la marge, à la philosophie du discours de Bayeux.
Se laissant par ailleurs aller à quelques indiscrétions bien maîtrisées, il souligne que les hommes et les femmes politiques actuels ont oublié de parler au peuple, à son cœur et à son intelligence. Il confesse que le niveau du personnel politique s’est quelque peu affaissé… celui-ci oubliant de voyager, de lire et de réfléchir en profondeur et avec sang froid.
L’entretien se poursuit autour de son dernier ouvrage paru aux éditions Fayard : « Un défi de civilisation ». Il évoque son rôle de Président de la Fondation de l’Islam de France constatant que la France est désormais multiconfessionnelle mais pas pluriculturelle. Il réaffirme son anti-communautarisme insistant sur la laïcité come gage de la paix civile. Il convient par ailleurs que cette position doit être clairement expliquée et que cela constitue un combat de longue haleine.
Pour Jean-Pierre Chevènement, la seule solution à suivre est le retour en force de l’Etat dans les domaines régaliens (police, justice, école, services publics). Cela signifie qu’il existe un combat d’idées à mener pour maintenir la République laïque et fraternelle si la France veut survivre comme une grande nation. C’est à ses yeux le travail de tous les citoyens et de l’Etat. Il a d’ailleurs une belle image à offrir, lorsqu’il dit qu’il convient de « relever le drapeau du combat républicain ».
Sur l’islam, il indique qu’il existe actuellement en France et partout dans le monde une poussée du salafisme, terreau de toutes les déviances, mais qu’il faut garder en mémoire que dans son histoire, l’islam s’est adapté à toutes les civilisations. Il pense que pour combattre le salafisme, il faut proposer un autre chemin d’élévation spirituelle. Il conclut sur ce sujet en martelant qu’il ne faut pas confondre l’islam et les pathologies de l’islam.
Il met un point final à son intervention en s’adressant directement à l’auditoire en ces termes : « soyez fiers d’être français et d’être républicains ».
Conclusion de France Audacieuse
Belle soirée placée sous le signe de la connaissance et de la finesse intellectuelle.
Soyons réalistes : il est fort peu probable que la salle, essentiellement constituée de lecteurs assidus du Figaro, ait été favorable aux idées politiques de Jean-Pierre Chevènement. Néanmoins l’auditoire était venu chercher autre chose : entendre un homme de lettres, témoin de l’histoire de la Vème République, fidèle à ses valeurs.
La parole des hommes et des femmes politiques manque aujourd’hui cruellement de hauteur, de vision, d’épaisseur. Jean-Pierre Chevènement, par la teneur et la tenue de son discours, a su nous le rappeler.
Alexia Germont – 13 janvier 2017