La révolte n’est pas à la mode. Il est de bon ton de se conformer à la doxa populaire ou mieux encore d’accepter sans mot dire les exigences de la pensée unique. Mais l’actuelle campagne électorale pour les Présidentielles met en lumière des fonctionnements qui devraient nous interroger.
Qu’elle soit directe ou représentative, pour que la démocratie soit efficiente, il faut certes des institutions qui donnent des pouvoirs au peuple, mais il faut aussi que ce dernier soit capable d’exercer pleinement sa souveraineté. Dès lors, pour qu’il puisse se forger une véritable conscience politique, il est indispensable que chaque citoyen reçoive une instruction et une éducation de qualité et soit le mieux informé possible. Les dérives populistes que nous voyons poindre depuis quelque temps, laissent à penser que dans ces domaines, il existe encore de larges marges de progrès.
Si le pluralisme politique suppose également l’existence d’une presse d’opinion totalement libre, il me semble que chacun d’entre nous doit aussi pouvoir y trouver une « information » la plus objective possible. Force est de constater que tel n’est pas le cas.
Bon nombre de médias sont chaque jour un peu plus victimes d’un journalisme à la mode qui se veut impertinent faute d’être capable d’une critique constructive, adepte de caméras et micros cachés pour éviter un véritable travail d’investigation, et plus enclin à l’information spectacle qu’à nous offrir des reportages ou des entretiens invitant à la réflexion et à l’analyse. On cherche de moins en moins à informer le citoyen, on le conditionne pour qu’il pense ce que l’on veut qu’il pense. Ainsi, on tend à chasser de son esprit toute idée personnelle construite à partir d’informations impartiales.
Je suis las d’entendre sur certaines chaînes publiques ou privées des suppositions accusatrices en lieu et place de faits vérifiés. Je suis outré par des prétendus entretiens dont le seul but est d’acculer l’interlocuteur. Ce qui devient alors important , ce n’est pas de connaître l’opinion de celui qu’on interroge, mais de mettre en scène un spectacle journalistique.
Il n’est nullement question de poser des limites à la liberté de la presse, mais d’en appeler au sens des responsabilités des journalistes tout en refusant l’autorité d’un quelconque quatrième pouvoir.
Par ailleurs, cette période électorale est particulièrement propice à des débordements qui veulent, volontairement ou pas, influencer nos choix. Il me paraît imprudent de confondre la moralité avec la légalité. Mais nous devons aussi tout particulièrement prendre garde à la judiciarisation rampante de la vie politique.
L’irruption de la justice dans cette campagne électorale doit sinon nous inquiéter, au moins nous interroger. La mise en cause de certains hommes politiques n’en fait pas de facto des coupables devant la loi, même s’ils ne sont pas pour autant exonérés de leur éventuelle responsabilité pour des comportements que la morale réprouve. Il ne fait aucun doute que si des malversations ou des manquements à la loi ont été commis, ce n’est pas la faute de la justice, mais bien évidemment celle des contrevenants.
Cependant, les récentes révélations sur l’un des principaux candidats à la Présidence de la République, ne sont probablement pas le fait du hasard. Quand on connaît la lenteur habituelle de notre système judiciaire, il est permis de se poser des questions sur la rapidité avec laquelle les investigations ont été menées et des mises en examen prononcées. On ne nous fera pas croire, que la divulgation à point nommé de certaines informations et la saisine quasi immédiate par le parquet financier de ces affaires soit le seul fait du hasard.
Dans ce cas comme dans d’autres, il est indispensable de prendre le recul nécessaire et d’attendre que d’éventuelles condamnations soient prononcées avant toute forme de sanction publique. La présomption d’innocence est un droit intangible dans toute démocratie, tout comme la séparation des pouvoirs judiciaire et politique est un droit constitutionnel inviolable.
Il n’est nullement question de contester une décision de justice, mais de dire avec force que nous ne voulons pas d’une République des juges.
Pour parachever ce billet d’humeur, je souhaite dire mon opposition à ce que l’on appelle désormais « les primaires ».
En France, où notre Constitution prévoit généralement un scrutin majoritaire à deux tours, les « primaires » désignaient habituellement le premier tour des élections nationales ou régionales. Depuis quelques années ce terme est utilisé pour investir par le vote de quelques électeurs mal déterminés, le candidat de chaque grand parti aux élections présidentielles.
Ce scrutin aux contours imprécis n’a non seulement aucune valeur légale, mais il me semble contraire à l’esprit de la Constitution de la Vème République. Si celle-ci prévoit l’élection du Président de la République au suffrage universel, c’est parce que cette élection se veut une rencontre entre les citoyens et un candidat. En limitant de fait notre choix, ces primaires nous privent du bénéfice d’une saine confrontation d’idées entre des présidentiables et les électeurs. Ceux qui ont refusé de se plier à ce jeu de massacre ont été bien inspirés : ils caracolent aujourd’hui en tête du peloton des sondages.
Le triste spectacle que nous offre la prochaine « présidentielle», est aggravé par la fausse légitimité reconnue aux vainqueurs de ces « primaires » ; elle nous prive de la possibilité de recourir à la personnalité qui nous semble la plus apte (ou la moins mauvaise) à assumer les plus hautes fonctions de notre pays.
Il n’est nullement question de contester la légitimité de notre futur Président de la République, mais de souhaiter que l’on ne pervertisse pas nos Institutions.
Ce climat délétère n’est possible que parce que nous refusons, nous mêmes, d’examiner les faits tel qu’ils sont. Nous préférons retenir ceux qui sont en accord avec la vision que nous nous faisons du monde.
Résistons : n’acceptons pas d’entrer dans l’ère de la post-vérité où les émotions se substituent à la réalité.
Hélios Privat
12 avril 2017