« HOMMAGE DANS LES ARDENNES »
Les soldats américains
lors de la Première Guerre Mondiale
par Ariane Sauvage
Une invasion inattendue s’est effectuée il y a quelques jours dans une petite forêt d’Argonne dans les Ardennes : une centaine de soldats américains et leurs officiers se sont rangés autour d’une stèle recouverte des deux drapeaux, le bleu-blanc-rouge de France et celui aux 50 étoiles d’outre-Atlantique. Ils étaient accompagnés de nombreux vétérans des deux pays, de représentants de l’Office National des Forêts et de personnalités officielles comme Monsieur Jean-Luc Warsmann, Député, Monsieur Joly, Préfet des Ardennes, de Madame Monique Seefried, membre de la World War 1 Centennial Commission et de représentants de la National Guard, armée des réservistes des Etats-Unis.
C’est que ce petit coin de forêt-là n’a pas toujours eu la paisible beauté qu’il offre aujourd’hui.
En Septembre et Octobre 1918, il est le théâtre des affrontements cruels qui opposent l’armée allemande aux abois et les troupes fraîchement débarquées des Etats-Unis.
Sans doute quelques petits rappels de nos cours d’Histoire s‘imposent-ils ici. En effet, quand les puissances européennes entrent en guerre en Août 1914, les Etats-Unis commencent par observer une stricte neutralité. Peu à peu, cependant, les évènements vont les amener à s’en mêler : des sabotages sur leur sol, le torpillage du paquebot britannique Lusitania en Mai 1915, les manœuvres diplomatiques du Kaiser pour gagner le Mexique à sa cause avec le fameux télégramme Zimmermann en Janvier 1917… Tout cela monte furieusement l’opinion publique et la classe politique américaine contre l’isolationnisme originel.
Le Congrès signe l’entrée en guerre des Etats-Unis le 6 Avril 1917. Oui, mais…l’armée américaine est une armée de métier qui ne compte que 200 000 hommes sans compter les réservistes de la National Guard, qui compteront pour 40% des forces américaines. L’appel au volontariat s’impose.
En moins de six mois c’est 1,2 millions d’engagés volontaires qui vont signer pour venir se battre en Europe. Parmi ces jeunes boys se trouvent entre autres George Marshall, le lieutenant-colonel George Patton, Harry S. Truman, lieutenant dans l’artillerie et futur Président des Etats-Unis, Ernest Hemingway et…Walt Disney, qui tous deux ont falsifié leur date de naissance pour être admis dans les rangs et se retrouveront ambulancier sur le front italien.
En Juin 1917, sous le commandement du général Pershing, la 1ère Division, surnommée the Big Red One en raison de son insigne, le chiffre 1 en rouge sur fond or, débarque à Saint-Nazaire devenant ainsi la première unité américaine à combattre en France. Et c’est aussi elle que nous retrouvons donc en Argonne quelques mois plus tard.
En Octobre 1918, dans cette longue vallée, les batteries ennemies sont bien sûr installées dans les hauteurs, en particulier tout en haut de la fameuse crête de Chatillon, qui ferme les pentes à leur extrémité. L’intérêt stratégique de l’endroit ? Majeur, puisque contrôler ce passage ouvrirait la route aux Alliés en direction de Sedan et de la Meuse, pour continuer à repousser l’ennemi toujours plus vers l’Est. C’est la 1ère division qui a commencé à libérer les premières pentes début Septembre 1918 mais exsangue après la perte de 1750 hommes, elle cède la place le 11 Octobre à la 42ème, une division composée d’unités de la National Guard, la fameuse «division arc-en-ciel» ainsi nommée car ses soldats provenaient de trente-six états américains différents.
Dans le cas présent, ce sont les soldats de l’Alabama et de l’Iowa qui sont menés au combat par le colonel de la 84ème brigade, un officier très déterminé du nom de… Douglas MacArthur.
De fait, après avoir entre autres envoyé ses hommes faire de la reconnaissance de nuit sous les barbelés ennemis, en dépit de la pluie, de la boue, de pertes humaines sévères et des tirs constants, celui-ci parvient enfin à prendre les troupes allemandes en tenaille. Au soir du 16 Octobre, la côte de Chatillon appartient aux Alliés.
Un siècle plus tard, c’est donc à sa mémoire et à celle de ses soldats que nous respectons tous et toutes sans hésiter une minute de silence avant que ne soient retirés les deux drapeaux recouvrant la stèle de pierre qui désormais porte son nom : stèle Général MacArthur, départementale 54 en direction de Romagne-sous-Montfaucon. Pour ma part, raconte une femme officier chevronnée de la National Guard d’Alabama, « c’est la toute première fois que je viens en France. C’est terriblement impressionnant de voir dans sa réalité cette région qui a connu tant de hauts faits et de tant de morts chez nos anciens, dans ma propre unité».
Comme l’indique Jean de Pouilly, élu local d’un village proche, Cornay, et dont le discours a ouvert la cérémonie d’inauguration : «Cet évènement s’inscrit dans un vrai projet de mémoire. Depuis quelques années, la région avec la participation de certains villages s’est attelée à faire revivre des lieux importants de la Première guerre mondiale, sans oublier tous les sacrifices qu’elle a entraînés».
Ainsi au mois de Mai dernier sous la houlette de l’ONF a eu lieu, dans un champs avoisinants la plantation d’une vaste série de chênes rouge et de séquoia dessinant le chiffre 1, en hommage à la 1ère Division, qui termine un long sentier mémoriel dans la forêt d’Ariéthal.
Il n’est pas inutile d’ailleurs de rappeler que c’est l’ONF qui a pris en charge depuis 1919 la réhabilitation les forêts massacrées par les guerres : désobusation, coupe des arbres abîmés, arrachage de barbelés, protection de vestiges, nouvelles plantations sont à porter au crédit de ses agents. Sans compter la gestion de petits témoins inattendus du conflit : les plantes obsidionales, c’est-à-dire celles qui voyagent dans les paquetages d’armées en mouvement !
Après la cérémonie c’est aussi à Cornay que sont invités les officiers américains pour une dernière visite : monter vers la nouvelle table d’orientation localisant les zones de combat et des sites d’intérêts divers. Pour ce major général de la 42ème division, qui a aussi fait la guerre en Irak : « Pour le meilleur et le pire, la Première Guerre mondiale à mes yeux a été la première de l’époque moderne, elle a ouvert la porte à bon nombre de modernisations de toute sorte, armements ou hôpitaux. Et c’était encore une guerre de mouvement, contrairement au conflit irakien ou afghan. » De son côté, un général français en retraite souligne à quel point il est important d’entretenir cette mémoire de guerre : « Nous sommes la dernière génération qui a été marquée par ce conflit, c’est fondamental de passer le message aux générations qui montent. Par ailleurs, quand on voit la politique de Défense européenne actuelle, il serait utile, à mon sens, de ne jamais s’autoriser à oublier les leçons de la Première guerre. »
Ariane Sauvage
Août 2018
En savoir plus :
www.onf.fr/forets-grande-guerre/
www.planet.fr/revue-du-web-cornay-les-petites-fleurs-de-la-grande-guerre-rep..
centenaire.org/fr/…/un-projet-de…d’Argonne-porte-par-lonf