INDUSTRIE ET MADE IN FRANCE
Interview d’Agnès Vernier
CMO de TEKYN
1. Quelle est l’histoire de Tekyn et sa raison d’être ?
Créée en 2017 par Pierre de Chanville et Donatien Mourmant, TEKYN met le digital et l’industrie 4.0 au service de la performance économique et environnementale. TEKYN offre aux marques de mode un service clé-en-main de production textile à la demande en digitalisant la chaîne de production aujourd’hui très atomisée. Le service TEKYN permet ainsi à ces marques d’atteindre la flexibilité et l’efficience nécessaires à leur transition vers une mode durable et responsable.
Nous avons développé une plateforme digitale, permettant de fluidifier et de moderniser la chaîne de production textile.
La raison d’être de TEKYN est d’assurer un essor massif et pérenne d’une industrie textile européenne rentable, écologique et socialement responsable.
De nombreuses marques leaders parmi lesquelles Petit Bateau, IKKS, La Redoute, PROMOD, 1083 et Cyrillus sont aujourd’hui partenaires de TEKYN.
Ces dernières sont elles aussi fondamentalement convaincues par la nécessité de se digitaliser pour optimiser leur production et renforcer leurs liens avec les ateliers.
2. La société Tekyn a obtenu le prix de l’innovation ANDAM 2020 : de quoi il s’agit-il ?
Fondé en 1989 par Nathalie Dufour, grâce au soutien du Ministère de la Culture et du DEFI, l’ANDAM a pour mission de repérer les talents émergents de la création contemporaine et de leur offrir, à travers ses prix, les moyens d’exister, de défiler au sein de la semaine de la mode parisienne, de développer leur marque à l’international et de s’implanter durablement en France, assurant ainsi le dynamisme de la scène parisienne de la mode.
Axé plus spécifiquement sur les domaines de la conception, de la production et de la distribution de mode, le prix de l’innovation ANDAM récompense les créateurs, entrepreneurs et start-up françaises et internationales, qui offrent des solutions créatives, innovantes et technologiques, relatives aux enjeux économiques, écologiques et sociaux, permettant le développement d’une mode responsable et transparente.
Composé par un jury d’experts reconnus du milieu de la mode, ce prix représente pour TEKYN la reconnaissance de la pertinence du business model, basé sur la production textile à la demande.
3. Quel modèle industriel propose Tekyn dans le secteur de la production textile, face aux sites de production asiatiques ?
Le modèle de production TEKYN est tiré par la demande du client final, pendant, et en fonction, des ventes réelles.
Il est donc fondamentalement différent du modèle de production en Asie, basé sur une production très en amont des ventes, et ensuite poussée au client final.
TEKYN produit « dans l’autre sens mais dans le bon sens. »
Grâce aux technologies digitales et à l’automatisation d’une partie de la production, le fractionnement au plus proche de la demande est rendu possible.
TEKYN est sur un modèle de « lean manufacturing » : une production en flux tendu qui permet de calibrer, au plus juste du besoin réel, les quantités produites.
La rentabilité financière n’est plus calculée en fonction de la marge d’entrée, mais en fonction de la marge de sortie.
Le surcoût à l’achat, lié au coût de la main d’œuvre européenne, est alors compensé par l’efficience de production : développement des ventes, baisse des stocks et de la démarque, amélioration de la trésorerie.
L’optimisation de la production ayant par ailleurs un impact direct sur l’environnement, en mettant fin aux surproductions.
4. En quoi la crise de pénurie de masques au début de l’année 2020 a créé des opportunités pour Tekyn ?
En avril 2020, le besoin de masques fabriqués en France a été très importante. Pour répondre à cette demande, TEKYN a accéléré les développements prévus en 2020 et a décuplé ses capacités de production en quelques semaines.
Aujourd’hui, cette accélération bénéficie à l’essor de la production à la demande pour les marques de mode.
5. Les consommateurs sont-ils prêts à devenir des “ConsomActeurs” pour soutenir le Made in France ou le Made in Europe ?
Majoritairement oui, sur le principe c’est une tendance de fond ; reste bien évidemment la question et le frein budgétaires.
C’est tout l’enjeu des technologies TEKYN : compenser, par l’efficience, le coût de production en France et en Europe, afin d’offrir au plus grand nombre des vêtements produits en Europe, sans surcoût sur le prix final.
6. Vous êtes-vous heurtés ou vous heurtez-vous à des lourdeurs administratives ? A des difficultés de financement ?
La prise de conscience du besoin de réindustrialisation est bien réelle et aide à simplifier les démarches administratives.
Un autre facteur clé facilitant les démarches et les opportunités de financement est lié au bénéfice environnemental de la solution TEKYN.
Nous avons en ce début 2021, une très bonne nouvelle pour l’avenir et l’ambition de TEKYN avec une levée de 5,5 Millions auprès d’Otium et BPI France !
Celle-ci va nous permettre d’accélérer le déploiement de nos technologies, de créer des emplois et de développer l’offre en Europe, en commençant par l’Allemagne.
Le marché allemand est très important en termes de volumes. Par ailleurs, la mode y est moins créative qu’en France, ce qui facilite les procédés d’industrialisation. Enfin, les problématiques environnementales et la culture industrielle sont très prononcées en Allemagne, ce qui rend l’approche de l’Allemagne très pertinente par rapport au fonctionnement TEKYN et son ambition environnemental.
7. Comment accueillez-vous la mise en place du Haut Commissariat au Plan et du Plan France Relance ?
Très positivement ! Et nous avons bénéficié du plan France Relance pour deux subventions relatives à l’investissement dans l’industrie 4.0.
8. Quelles préconisations ou pistes de réflexions proposeriez-vous pour relancer l’industrialisation en France ?
La clarification de l’origine des produits est un pré requis pour permettre aux consommateurs d’avoir un choix éclairé et d’être justement des consom’acteurs.
L’harmonisation des labels est un vrai sujet pour permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés.
La pédagogie et la communication sur les impacts économiques et environnementaux pourraient être poussées.
L’idéal étant en effet d’avoir une régulation naturelle venant du marché lui-même, et pas forcément uniquement par du financement de l’Etat.
Le Covid a clairement accéléré la prise de conscience de la nécessaire réindustrialisation de certains secteurs économiques, il a révélé la fragilité liée à la dépendance externe dans la chaine d’approvisionnement de certains secteurs.
Les opportunités de financement sont donc aujourd’hui plus importantes, qu’elles soient privées ou publiques avec le plan de Relance.
Propos recueillis par Nathalie Kaleski, Secrétaire Générale de France Audacieuse
Publication le 22 mars 2021
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