Ayant eu l’occasion d’entendre Ambroise Fayolle, Vice-Président de la Banque Européenne d’Investissement (la BEI), lors d’un débat autour du thème de « La finance au service de l’Europe : les ambitions du Plan Juncker », nous ne pouvons qu’être à la fois rassurés et inquiets :
- rassurés car à travers la BEI, l’Europe applique une véritable politique d’investissement et d’innovation…
- mais inquiets car peu d’Européens connaissent l’ampleur des actions concrètes portées par cette institution.
Ceci illustre que l’Europe est désormais tellement loin de l’opinion publique européenne, qu’un immense travail de pédagogie doit être mis à l’ordre du jour du calendrier de Bruxelles.
En effet, l’Europe agit très concrètement en soutien des entreprises. Mais en oubliant de le faire savoir ou en communiquant trop peu sur ses apports, l’Europe se fragilise. Cette lacune européenne profite mécaniquement aux populistes.
Alors faisons un peu de pédagogie !
La Banque Européenne d’Investissement
Pour mémoire, la BEI, basée à Luxembourg, est l’institution financière de l’Europe dont les actionnaires sont statutairement les pays membres. Elle finance 4 grandes priorités en Europe : l’innovation, le changement climatique, les infrastructures et les PME. Elle s’attache à financer des projets, évalués en toute indépendance par des ingénieurs et non pas des économistes comme au FMI. Traditionnellement, la BEI finance dans et hors de l’Union Européenne des PME, des collectivités territoriales, des grands projets d’investissement favorisant la réalisation des objectifs de l’Union.
Le Plan Juncker
Face au déficit d’investissement et d’innovation en Europe apparu suite à la crise de 2008 (baisse d’environ 15% de l’investissement entre 2008 et 2014), la Commission européenne s’est associée à la BEI pour lui donner les moyens, à travers la création du Fonds Européen pour les Investissements Stratégiques (le FEIS), de mobiliser au moins 315 milliards d’euros sur 3 ans. Dans ce cadre, la BEI a pu financer des opérations plus risquées mais pour des montants moins significatifs qu’à son habitude et toujours à une hauteur maximum de 50% des projets.
Exemples de financement par la BEI en application du Plan Juncker via le FEIS
La BEI ne prend pas de participation directe dans les entreprises; en revanche, elle accorde des concours bancaires significatifs. Au titre du FEIS, la BEI publie en toute transparence le montant des financements accordés, le nom et la nationalité des structures qui en bénéficient.
En France, à titre d’exemple (source www.eib.org) :
- La loi Transition Energétique en France a créé des sociétés régionales régulées par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Régulation (APCR) pour favoriser la rénovation thermique de l’habitat privé. La BEI a décidé d’aider ces sociétés à hauteur maximum de 400 millions d’euros pour des structures notamment en Ile de France (100 millions d’euros) et en Picardie.
- Dans le secteur de l’acier, Aperam, structure française, a bénéficié d’un prêt de 50 millions d’euros pour sa Recherche et Développement.
- En matière agricole, une coopérative laitière significative regroupant plus de 1000 producteurs (Les Maîtres Laitiers du Cotentin) a gagné un appel d’offres pour exporter sa production en Chine. La BEI a permis le financement de la construction d’une nouvelle usine pour 55 millions d’euros.
- Dans le Cantal, la BEI a financé avec la Caisse des Dépôts, à hauteur de 30 millions d’euros chacun, le Fonds Gingko spécialisé dans la gestion des friches industrielles, qui demande des technologies très pointues.
En Allemagne, la BEI octroie une garantie aux Landesbank qui prêtent dans le secteur des énergies renouvelables afin qu’elles puissent continuer de servir les emprunteurs alors qu’elles avaient atteint le maximum de leurs ratios réglementaires.
En Italie, la BEI finance des ETI innovantes.
Sans oublier la Grèce que la BEI soutient activement, pour des raisons évidentes, dans le cadre du FEIS.
Un bilan très positif
La BEI a approuvé au titre du Plan Juncker un total à ce jour de 324 opérations dans les 27 pays sur 28 membres de l’Union Européenne (tous les pays à l’exception de Chypre ont soumis des projets).
Les investissements attendus sont de l’ordre de 127 milliards d’euros sur les 315 milliards disponibles sur 3 ans. Mi-septembre 2016, la Commission européenne a indiqué que le FEIS devrait être porté à 500 milliards d’ici 2020. Pour la mise en œuvre du Plan Juncker, la BEI a recruté 300 collaborateurs.
L’ambition du Plan Juncker est ici à souligner : les conséquences positives de sa mise en place interviennent à un moment très particulier de l’histoire européenne, alors que l’Europe est au bord de la rupture. Il est donc vital de se faire l’écho des réalisations concrètes de l’Europe, notamment en matière de financement des ETI et PME.
Car l’Europe est ici pleinement au service des Européens.
On ne peut que s’en féliciter : seules des actions concrètes leur redonneront le goût de l’Europe. Et je formule ici une proposition : l’Europe devrait étendre aux particuliers ce mécanisme de financement des ETI et PME qui a fait ses preuves, en prenant bien soin de ne pas intervenir dans le champ d’action des banques nationales. Cela serait possible, en attribuant une garantie financière européenne aux établissements bancaires nationaux, pour relancer le crédit aux particuliers pour des opérations ayant un impact favorable sur le changement climatique par exemple.
Et si l’Europe redevenait audacieuse ?
Alexia Germont