France Audacieuse – Pôle “France Apaisée”
Groupe de travail “Sécurité”
Note Technique d’Actualité sur le Renseignement Economique
par Philippe Berrier et Alexia Germont
L’actualité
Joffrey Célestin-Urbain, chef du Service de l’Information Stratégique et de la Sécurité Economiques (« SISSE ») a dévoilé au cours du mois d’octobre 2019 la nouvelle stratégie de l’Elysée en matière de renseignement économique.
Le dispositif mis en place comprend 22 délégués à l’information stratégique (les « DISSE ») répartis sur l’ensemble du territoire national au sein des Directions Régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (“DIRECCTE“). Ces 22 délégués ont pour mission la mise en œuvre de la politique territoriale d’intelligence économique, en parfaite coordination avec les services de renseignements et en appui des préfets de région.
Par communiqué de presse en date du 17 octobre 2019, la Direction Générale des Entreprises, au sein du Ministère de l’Economie et des Finances, a annoncé le lancement de l’outil « La sécurité économique au quotidien, en 26 fiches pratiques » lors de la première édition des Rendez-vous de la Sécurité économique qui s’est tenue le 16 octobre 2019. Ces fiches sont un outil opérationnel disponibles pour tous.
Cette démarche appuie l’assise territoriale affichée par le gouvernement.
La presse économique s’est fait l’écho de cette stratégie, notamment dans un article paru dans Les Echos du mercredi 28 octobre 2019, sous la plume de la journaliste Anne Drif.
L’analyse de France Audacieuse
Philippe Berrier, l’un des contributeurs France Audacieuse au sein du groupe de travail « Sécurité », Commandant de Police honoraire et Ancien Directeur Départemental des Renseignements Généraux de la Nièvre à Nevers, a partagé son expérience (i) et donné son analyse sur cette actualité (ii).
- son expérience
La Direction Départementale des Renseignements Généraux (« DDRG ») de la Nièvre, dont il était en 2006 le Directeur Départemental, au sein d’une petite section sociale et économique, avait largement développé de multiples contacts avec les Chefs d’entreprise, les représentations syndicales, les Chambres Consulaires, la Chambre de Commerce et d’Industrie et autres Chambre de Métiers….
La DDRG était alors capable de répondre en temps et en heure à toute sollicitation de son administration centrale, tout comme elle pouvait rapidement fournir une note d’ambiance au Préfet afin d’anticiper et de désamorcer une éventuelle situation de crise, liée à l’emploi, à quelque projet de plan social, de restructuration, d’acquisition ou de délocalisation, nonobstant un regard acéré sur l’entreprise, particulièrement lorsque cette dernière pouvait être impliquée, de par sa nature, « dans les intérêts stratégiques de la nation »….
- son analyse
Cette prétendue « nouvelle stratégie » ne fait que reprendre les fondamentaux incontournables du renseignement, tels qu’ils fonctionnèrent des décennies durant au sein des Renseignements Généraux, oeuvrant très largement dans ce sens, bien avant le présent quinquennat.
Ces fondamentaux, basés sur le renseignement de source humaine, trouvaient leur efficacité par l’existence d’un maillage territorial très dense.
Les Directions Départementales des Renseignements Généraux agissaient alors en pleine autonomie budgétaire, conformément à leurs besoins en hommes et matériels, besoins déterminés à l’échelon départemental par le Directeur et ses collaborateurs et collaboratrices immédiats.
Les références sémantiques du chef du SISSE aux « signaux faibles d’alerte » ou à « l’anticipation des menaces sur les actifs stratégiques de la nation », mentionnés dans l’article ci-dessus évoqué, ont toujours fait partie de la préoccupation quotidienne des Directions Départementales des Renseignements Généraux d’hier.
Enfin, la référence appuyée à la primauté de « l’échelon territorial dans le dispositif de veille nationale », a constamment été la règle sur le terrain par le passé : les membres des services de renseignement territorial ont toujours été des professionnels, et plus encore, des spécialistes au sein de structures généralistes, que constituaient alors les Renseignements Généraux sur l’ensemble du territoire national de France et d’Outre-Mer.
L’appui sur les spécificités des territoires ne constitue donc pas une nouveauté à cet égard.
Cette stratégie gouvernementale affichée ne fait que reprendre les bases et les fondamentaux de l’architecture d’un service de renseignement, liés à l’importance de sa trame et de son maillage territorial, qui a toujours accordé une priorité absolue aux relations humaines les plus éclectiques.
On ne peut par conséquent que saluer ce retour aux fondamentaux, base même de l’efficience du renseignement.
Cela n’occulte pas toutefois le mal que la classe politique, quelle que soit son orientation, aura fait au renseignement français au cours des dernières décennies, soit par méconnaissance, soit par volonté politique délibérée lorsque les ex « RG » pointaient du doigt là où cela fait mal.
Pour conclure, rappelons que le renseignement territorial, autrefois parfois présenté comme une « police politique », ne faisait en réalité aucune concession à son attachement aux valeurs de la République, transcendant alors les pouvoirs avec loyauté et professionalisme.
Les pistes de réflexion de France Audacieuse
Afin d’améliorer la politique de renseignement et d’intelligence économique en France, il conviendrait de tirer les enseignements des faiblesses actuelles en la matière.
En effet, force est de constater que les cabinets ministériels, la haute fonction centrale et les parlementaires ont encore besoin d’un appui renforcé pour améliorer leur connaissance du tissu industriel français et les entrepreneurs eux mêmes doivent encore être sensibilisés davantage aux enjeux de la sécurité économique de notre pays.
On pourrait envisager ainsi :
- une diffusion automatique par mail par les services étatiques des 26 fiches d’information mises à disposition par le SISSE à l’ensemble du tissu économique, qu’il s’agisse des grandes entreprises ou des TPE/PME et entreprises familiales.
- la sensibilisation des jeunes dans les cours d’instruction civique et une opération particulière à destination des étudiants en école de commerce ou en sciences (mathématiques, physique, chimie).
- un recensement fin de notre patrimoine économique afin de protéger plus encore la souveraineté française tant en matière industrielle qu’en matière d’Entreprise du Patrimoine Vivant.
- la réintroduction d’une délégation interministérielle au renseignement économique afin d’assurer un traitement transversal de ces questions sensibles.
- un investissement humain et technique à marche forcée concentré sur les territoires à travers le redéploiement assumé des anciens Renseignements Généraux.
Ces pistes de réflexion ont vocation à être affinées lors des travaux du groupe « Sécurité » de France Audacieuse.
Philippe Berrier//Alexia Germont
1er novembre 2019