Les Débats de « Pensez-Libre »
« Droit et Terrorisme»
Société d’Encouragement de l’Industrie
Lundi 30 janvier 2017
Olivier Mousson, Président de la Société d’encouragement de l’industrie, introduit la soirée en rappelant que l’association est née en 1801, la 1ère reconnue d’utilité publique. Il est également président de Pensez Libre, de l’Atelier de la République et co-président du MEF.
La table-ronde était animée par Stéphane Brabant, Avocat au Barreau de Paris et Vice-Président de l’Association Pensez Libre. La soirée réunissait deux avocats avec des opinions très différentes notamment en terme d’organisation de la société, mais chacun avec des convictions fortes :
- Thibault de Montbrial, Avocat au Barreau de Paris et Président du Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure
- William Bourdon, Avocat au Barreau de Paris et notamment président fondateur de Sherpa, association dont l’objet est la défense de « crimes commis par les opérateurs économiques ».
Stéphane Brabant rappelle que Pensez libre a été créée en 2002, autour des valeurs européennes et humanistes toujours au cœur du débat. Entrant dans le vif du sujet, il rappelle que « droit » et « terrorisme » sont deux mots qui semblent s’affronter. Donc qu’attendre d’un tel débat, alors que le terrorisme est plutôt imaginé comme du non-droit. Pourtant, le terrorisme s’est malheureusement inscrit dans notre environnement quotidien et non plus exceptionnel. Mais on ne peut pas faire autrement que de vivre dans un système gouverné par le droit. Or beaucoup de personnes préconisent parfois des mesures parfaitement illégales et l’on ne peut pas tomber dans le non-droit.
La parole est d’abord donnée à la salle pour comprendre ses attentes et les questions qu’elle se pose au regard du thème débattu. Les problématiques suivantes ont donc été évoquées par le public :
- sur l’état d’urgence : quelles modifications des lois existantes envisager pour pouvoir abandonner l’état d‘urgence ?
- dans le cadre de la lutte contre le salafisme et le wahhabisme, peut-on criminaliser certaines expressions ou certains actes ?
- doit-on lutter contre les symptômes terroristes ou doit-on améliorer la société pour que les gens adhèrent aux vraies valeurs.
- pour les actes terroristes, est-ce le droit français ou le droit international qui s’applique ?
- quelles réponses spécifiques apporter à la pluralité de formes de terrorisme ?
- quel cadre judiciaire européen envisager ?
- quid du secret professionnel des avocats en période d’état d’urgence ?
- quid de la pertinence sur la prévention des crimes terrorismes ?
- quel éclairage juridique apporter à la déchéance de nationalité sur laquelle le gouvernement est revenu ?
- pourquoi laisse t’on les personnes fichées en liberté ?
- comment est-il possible que nos démocraties n’arrivent pas à lutter contre des organismes qui refusent la déclaration universelle ?
- quelles différences existent-ils entre droit latin et droit anglo-saxon en matière de lutte contre le terrorisme ?
- quelle indépendance des juges vis à vis d’une politique pénale ?
Stéphane Brabant fait alors la synthèse des interrogations du public en isolant d’une part les questions touchant aux valeurs, à la philosophie et à la pensée et, d’autre part, celles plus juridiques (indépendance des magistrats, droit anglo-saxon, etc…).
Il passe alors la parole à Thibault de Montbrial qui rappelle qu’il défend principalement les victimes et les forces de l’ordre. Il promeut également la légitime défense. Il assume une défense dure à l’audience pénale, pour que la victime se réinsère également, rappelant que les victimes ont besoin de comprendre ce qui s’est passé, même quand il n’y a pas de débat sur l’auteur des faits. Plus spécifiquement en matière de terrorisme, il insiste sur le fait qu’aujourd’hui, ne pas nommer les maux dont notre pays souffre, ce n’est pas un service à lui rendre. Il considère que la classe politique est terrorisée à l’idée que notre pays s’effondre. Or, selon les forces de renseignement, une telle hypothèse est désormais envisageable en cas de choc fort. De son point de vue, la gauche qui a perdu le vote ouvrier, cherche aujourd’hui le vote issu de l’immigration. D’où une logique de communication en conséquence. Il réitère qu’à titre personnel, il est favorable à la tradition d’accueil en France mais qu’en terme de bon sens il est nécessaire que ces personnes adhèrent au pacte républicain.
Stéphane Brabant présente ensuite William Bourdon, qui a publié un « Petit manuel de la désobéissance » et, plus récemment, «Les Dérives de l’état d’urgence », ouvrage co-écrit avec ses collaborateurs sur les assignés à résidence, les déchus de nationalité, les interdits de manifestation au moment de la COP21 et les risques pour notre démocratie de la loi du 24 janvier 2015 et notamment la contamination du droit commun par le droit d’exception. Pour sa part, il considère que :
- l’état d’urgence s’est banalisé
- il y a un effet d’aubaine à la politique au coup de menton, porteuse d’une surenchère démagogique à droite
- le retour en arrière va être difficile, l’opinion publique étant impuissante et désarmée pour exiger un contrôle démocratique
- il indique que, dans son expérience, dans 90% des cas, les assignations à résidence ne servent à rien. A ses yeux, cela est plus une forme de politique de communication, permettant d’affirmer qu’il y a, grâce à l’état d’urgence, une centaine d’assignés à résidence.
Amorçant le dialogue, Thibault de Montbrial, précise, non sans humour, que son confrère et lui « ne sont pas beaucoup d’accord » et ce, non dans une logique d’opposition droite–gauche. Il souligne une vraie différence conceptuelle entre leurs deux approches : il pense pour sa part qu’il existe un risque réel pour la démocratie du fait du poids grandissant de l’attaque militaire et politique que la France subit de l’islam radical. Il souligne que les valeurs défendues par l’Europe (via la CEDH) porteuses des libertés fondamentales éclairées et gréco latines sont dévoyées par l’islam radical politique. Il poursuit en indiquant qu’il est opposé également à la banalisation de l’état d’urgence mais il estime que le gouvernement a perdu 10 mois dans la mise en œuvre tardive de l’état d’urgence, les mesures dérogatoires au droit commun ayant quand même eu une certaine efficacité.
William Bourdon insiste pour sa part sur le fait que la France n’est pas au bord de l’effondrement. Mais il pense qu’un inventaire devra être fait sur la banalisation de l’état d’urgence.
Thibault de Montbrial clôture son propos en indiquant que c’est aux musulmans, avec des voix qui font autorité, de prendre également la parole pour dénoncer l’islamisme radical, en s’appuyant sur les intellectuels, les sportifs, les artistes qui font autorité, en dépit des risques encourus.
Conclusion de France Audacieuse
Une soirée riche, portée par les interventions respectives de Thibault de Montbrial, William Bourdon et Stéphane Brabant.
Sur ce sujet « droit et terrorisme », difficile et clivant, la parole a pu circuler librement dans la salle qui, par la variété des questions posées, a également donné le ton des débats reflétant les préoccupations de l’opinion publique.
On savait les deux invités particulièrement opposés dans leur conception de la société. Il était néanmoins intéressant de comprendre l’argumentation intellectuelle charpentée derrière ces deux prises de parole.
Deux personnalités fortes qui portent chacune avec conviction une vision de la société, que d’aucuns pourraient qualifier «d’irréconciliables ».
En organisant de tels débats, Pensez-Libre participe à la démocratie en permettant une expression libre et argumentée, autour d’intervenants de qualité faisant ainsi œuvre de pédagogie.
Le prochain débat organisé par Pensez Libre se déroulera le Mardi 28 février à 19 h 30 à la Société d’Encouragement de l’industrie, sur le thème de « La place de la méritocratie en France ».
Alexia Germont – 8 février 2017
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