Etats-Unis
Les élections françaises vues depuis Los Angeles
Les regards décalés d’Ariane Sauvage
correspondante de France Audacieuse en Californie
En ce début d’année 2022 aux États-Unis, difficile d’échapper aux rebondissements de la politique américaine: la profonde polarisation du pays, les revers essuyés par le Président Joe Biden au Sénat, les efforts de Donald Trump pour rester sur la scène publique, la nomination éventuelle d’une femme noire à la Cour Suprême…tout prend une densité inattendue dans un climat social aussi inflammable que préoccupant. Dans tout cela, reste-t-il un peu de place pour parler de ce qui se passe… en France, par exemple ? Pas beaucoup. Le seul pays en dehors du territoire américain qui occupe le plus l’espace médiatique est sans surprise l’Ukraine avec le climat de tension militaire qui l’entoure. NPR : National Public Radio, le Los Angeles Times, le New York Times, entre autres, ont d’ailleurs couvert le voyage du président Macron à Moscou et sa rencontre avec Vladimir Poutine, certainement davantage que la présidence de l’Union européenne par la France.
La communauté française de Los Angeles, quant à elle, reflète ce mouvement, et l’on ne peut pas dire que les élections présidentielles à venir ou l’Europe suscitent beaucoup d’écho. Selon une Française impliquée en politique : «C’est vrai, cette année, de l’avis général, l’ambiance est beaucoup plus calme que pour les élections de 2017. Selon moi, de toutes façons, ici cela va se rejouer entre LAREM et Les Républicains». Pourtant le site de En Marche à Los Angeles n’affiche encore que des informations remontant à 2021. Pour une autre qui dirige un bureau de comptabilité : « A peu près 90% de mes employés ont la trentaine, je n’en entends jamais un qui discute de la situation politique en France. Ce qui se passe ici les intéresse beaucoup plus. » Un coiffeur de Santa Monica lève les yeux au ciel : « Les élections françaises ? Ici elles ont lieu le samedi à cause du décalage horaire et les bureaux de vote sont à une heure de voiture de chez moi. Le samedi, je travaille, ma femme aussi, tous nos amis dans la coiffure aussi, personne n’a le temps d’aller voter. » Pour une jeune mariée installée à San Diego, nul besoin que les groupes politiques viennent la démarcher : « Je regarde directement les actualités et la campagne présidentielle sur les sites français en ligne. Et de toutes façons, je sais déjà pour qui je veux voter. » Quelques frémissements commencent cependant de parcourir certains cercles. Le 29 janvier, un webinaire, proposé par le journal en ligne French Morning, réunissant Clément Beaune, secrétaire d’État aux Affaires européennes, et Roland Lescure, député depuis 2017 des Français de la circonscription Amérique du Nord (États-Unis et Canada), permettait aux auditeurs de mieux saisir l’importance de cette présidence française de l’Union européenne, puis de poser quelques questions. Cette semaine la Consule générale de France à Los Angeles, Julie Duhaut-Bedos, adressait à son tour aux communautés de sa circonscription (Californie et Nevada du Sud, Arizona, Colorado et Nouveau-Mexique) une vidéo rappelant toutes les informations nécessaires pour s’inscrire au Consulat de façon à pouvoir voter en Avril et Juin prochains. Certains font circuler un mail en provenance de Les Républicains de Grande-Bretagne qui viennent d’organiser une visioconférence avec Christian Jacob et le sénateur Ronan Le Gleut, en charge de la fédération des Français établis hors de France chez Les Républicains. Le même sénateur envoyait aussi début Février ses vœux aux Français « ambassadeurs de la France dans le monde » avec un rappel des points essentiels de la campagne de Valérie Pécresse. Tous ces efforts restent cependant limités au monde digital. Une expatriée installée ici depuis trente ans explique, avec un brin de regret : « Les associations dont nous pouvons être membres, comme Los Angeles Accueil ou l’Alliance française, sont apolitiques, tout le monde le sait et personne ne va parler politique à l’intérieur des locaux. En revanche, jadis, quand on se retrouvait sur les parkings, avant ou après une réunion, là, les discussions, parfois houleuses, allaient bon train. Aujourd’hui, à cause du Covid, toutes les réunions sont en Zoom, donc hélas, il n’y a plus de débats entre nous et je n’entends vraiment personne parler des élections à venir en France. Je pense que les gens se réveilleront quand on se rapprochera de la date ? »
Il faut l’espérer en effet, car les Français de l’étranger représentent une force économique et politique dont peut-être ils ne se rendent pas toujours compte. S’ils étaient moins d’un million en 2010, ils représentent aujourd’hui une diaspora d’entre 3 et 3,5 millions de personnes, même s’il n’y en a que 1, 7 millions inscrits dans les Consulats. Pour le moment. De quoi tout de même attirer l’attention d’un candidat ou d’une candidate à la Présidence de la République. Éric Zemmour a par exemple fait une vidéo postée en Janvier pour lancer sa campagne à destination des expatriés, déclaration relayée entre autres par La French Radio, qui dessert les communautés françaises de Hong-Kong et Macau. Le même site diffusait quelques jours plus tard un interview de Yan Chantrel, membre du Parti socialiste, Sénateur des Français de l’étranger depuis Octobre 2021, présentant les objectifs qu’il a à cœur de réaliser pendant son mandat et déclarant au sujet des prochaines législatives de Juin : « Les 3 millions de Français établis hors de France doivent avoir des députés de combat ! »
D’ailleurs lepetitjournal.com, autre journal en ligne pour les expatriés, pose clairement la question dans son édition du 16 Janvier, rappelant au passage que les Français en question avaient voté à 90% en faveur d’Emmanuel Macron en 2017 : « Et si le vote des Français de l’étranger était crucial pour gagner la présidentielle ? »