France Audacieuse y était …
Les Débats de “Pensez-Libre”
« La place de la femme en Entreprise»
Société d’Encouragement de l’Industrie
11 janvier 2018
Olivier Mousson, Président de la Société d’encouragement de l’industrie, introduit la soirée en rappelant que l’association est née en 1801 à l’initiative de Bonaparte. Il est également Président de Pensez Libre. Puis Stéphane Brabant, Secrétaire Général de Pensez Libre, rappelle que la place de la femme dans la presse est tout à fait dans l’actualité. Il accueille chaleureusement les intervenants de la soirée de réflexion autour de « La place de la femme dans l’entreprise ».
- Madame Nicole Ameline, ancienne Ministre du Droit des Femmes et ancienne Députée pendant 26 ans. Ambassadeur à l’Organisation Internationale du Travail, elle est membre de l’OTAN et porte actuellement un projet en Egypte sur le lien entre le développement économique et la place des femmes dans la société.
- Cristina Lunghi, Présidente d’Arborus et UN Women expert, qui porte un projet de labellisation des droits des femmes au sein des entreprises
- Renaud Redien-Collot, analyste senior à l’Institut Friedland, diplômé en Gender Studies de Columbia University
Il remercie les participants à cette soirée de réflexion ainsi que la présence de France Audacieuse, partenaire de Pensez-Libre.
Nicole Ameline ouvre la soirée par une prise de parole libre, à son image. Elle insiste notamment sur les points suivants :
- l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est un facteur de compétitivité des entreprises. De ce fait, la conduite du changement est grandement facilitée par la mise en place de labels.
- l’égalité professionnelle est un facteur d’ergonomie sociale et les progrès réalisés au sein de l’entreprise servent la société toute entière et non pas que les femmes.
- L’égalité professionnelle permet aussi l’assurance d’une pérennité du management.
- Les entreprises motrices en matière d’égalité professionnelle sont également porteuses d’exemplarité.
- Enfin, les femmes sont aussi des forces de développement durable et de paix car elles sont souvent les victimes premières de discriminations dites inter-sectionnelles). Elle confie notamment qu’elle a longuement parlé avec Ban Ki Moon en lui expliquant qu’il fallait lier le développement de la place des femmes et le développement durable et elle note avec satisfaction que tel a été l’axe pris dans les Objectifs de Développement Durable pour 2015-2030.
En partant de l’exemple de l’expérimentation faite en Egypte, elle attire notre attention sur la possibilité réelle d’accélérer l’histoire en créant une fusée à 3 étages :
- L’égalité professionnelle, qui est un terrain consensuel dans le droit des femmes, (formation, protection des femmes dans la vie des entreprises, lutte contre le harcèlement, etc…), doit faire l’objet de tous les efforts. A ce titre, les entreprises françaises en Egypte sont très fortes et avaient adapté le label développé par Cristina Lunghi. Elles ont souhaité s’engager sur le respect des normes sociales à leur promotion.
- La Chambre de Commerce et d’Industrie franco-égyptienne, les Nations Unies, la France, et tous les acteurs de pouvoir en Egypte se sont rassemblés pour embarquer les forces vives et le Gouvernement égyptien de Sissi.
- Enfin les jeunes filles se sont engagées dans les formations proposées, ont passé les examens et un « speed dating » professionnel a été organisé au sein des entreprises, avec un effet transformatif réel. A telle enseigne, en Egypte aujourd’hui, la ministre des femmes va lancer une politique publique d’égalité des femmes avec un processus fédérateur et inclusif.
Elle note enfin que les femmes sont un facteur de paix considérable car la paix se situe dans tous les cercles et à tous les niveaux de décision.
Elle espère ainsi vivement que face au succès de cette expérimentation en Egypte, ce concept puisse s’élargir en Méditerranée.
Elle rajoute enfin que les partenariats Public-Privé font aussi partie des Objectifs de Développement Durable et que ce type d’expérience pourrait être porteur pour la France qui a au demeurant une triple responsabilité :
- Celle d’être en conformité avec les règles internationales
- Celle d’être à la hauteur de son devoir de solidarité : la Méditerranée est notre voisinage mais aussi notre sécurité. Il convient de construire en même temps que l’on stabilise.
- Celle d’honorer notre devoir de responsabilité : la France parle au monde et notre position en France c’est aussi de nous adresser à des femmes qui sont loin etqui perdent espoir.
Puis Renaud Redien-Collot intervient pour questionner Cristina Lunghi sur le fait de savoir comment motiver les organisations tout en rappelant que l’approche du genre française est égalitaire tandis qu’elle est diversitaire dans les pays anglo-saxons.
Cristina Lunghi rappelle tout d’abord qu’il existe un élément démographique incontournable, celui de l’universalité des hommes et femmes, tandis que les diversités sont très variables selon l’endroit où l’on est. Les anglo-saxons utilisent le mot minorité pour les femmes car nous sommes une minorité dans certains métiers ou institutions. Pour rationaliser la réflexion, Cristina a créé des processus méthodologiques via des labels AFNOR et BUREAU VERITAS UNIVERSALIS avec une approche de genre et elle a créé au Conseil Economique Social et Environnemental en mars 2017 un second label sur les diversités par exemple entre femmes et hommes en situation de handicap.
Quelle société et quelle paix dans le monde pouvons- nous espérer si on n’a pas l’égalité ? Il faut rendre les hommes et les femmes libres donc égaux à travers des grandes entreprises qui sont alors guidées par la certification qui pérennise également la démarche.
Les entreprises ont demandé la création de ce label international de norme sociale présent dans 37 pays actuellement avec une influence forte sur le contexte local.
A titre d’exemple Carrefour, très engagé sur les questions d’égalité, a une démarche très proactive pour être labellisée en Roumanie. Or dans le processus de labellisation, il y a un critère de dialogue social. Alors que le dialogue social avait été banni de Roumanie pendant les années communistes, Carrefour a repris des discussions avec le gouvernement roumain pour réintroduire une démarche syndicale, ce qui a finalement abouti positivement.
En Egypte, les Partenariats Public-Privé démontrent que l’égalité professionnelle est un facteur réel de stabilisation sociale et démocratique.
Nos entreprises françaises et les entreprises américaines (GE, Pepsi, Schlumberger, etc.. ) veulent donc développer des politiques d’égalité pour que des jeunes femmes de quartiers pauvres puissent s’insérer par le bas. A titre d’exemple très pragmatique, Cristina cite la situation de cette jeune fille égyptienne employée à la pompe à essence dans un quartier chic du Caire qui a créé un tel émoi par le caractère innovant de sa présence, que la télévision est venue immédiatement la filmer pour poster la vidéo sur youtube. Cet épisode a permis une mise en lumière particulière de ces actions pour l’égalité. De même, jusqu’à très récemment, les femmes qui faisaient les chambres chez Accor n’avaient pas le droit de toucher les lits des autres hommes. Cela est en train d’évoluer au titre de l’égalité professionnelle. Enfin, en Jordanie, où aucune législation n’existe en matière d’accessibilité pour les handicapés, Orange, qui a été labellisé, installe en toute discrétion des rampes d’accès handicapés.
Les grandes entreprises ont compris que ce sont des enjeux de société et pas des questions uniquement de business qui de toutes façons ne peut se développer que dans un environnement démocratique. Elle effectue donc un travail important au quotidien avec les managers, pour leur donner des « incentives » car ils sont évidemment soit une courroie de transmission soit un point de blocage.
Puis Renaud Redien-Collot intervient à nouveau pour questionner Cristina sur l’état d’esprit créé par la labellisation en matière de culture.
Cristina rappelle alors que la labellisation :
- Implique la culture de l’égalité sans laquelle il est difficile d’agir. Il faut que l’entreprise démontre au niveau de tout son réseau son engagement réel pour la labellisation.
- Facilite les remontées de bonnes pratiques ce qui permet de supprimer la domination, par principe, du siège social de l’entreprise sur les filiales mais permet parfois l’inverse. Par exemple, c’est en Italie que l’on a d’abord réfléchi travaille au Smart Working pour inciter les salariés à travailler d’où ils veulent et non pas forcément de chez eux. C’est également à partir de l’Espagne que le guide de la parentalité a été instauré dans d’autres pays. Ce mode de fonctionnement répond facilement aux souhaits des jeunes générations
- Elève le niveau des normes sociales, ce qui permet de proposer un modèle de développement qui attire les jeunes générations.
Puis Renaud Redien-Collot conclue sur une réflexion très pertinente : il existe une réelle dimension apprenante les uns avec les autres et les uns des autres.
Enfin, la parole circule dans la salle notamment :
- la Présidente de l’association de la diaspora féminine africaine souligne en effet que l’on parle toujours plus de la place des femmes dans l’entreprise mais très peu de l’entreprenariat féminin. Cette remarque fait réagir Madame la Ministre Nicole Ameline qui rappelle que dans les négociations de paix, il n’y a que 9% de femmes. S’agissant de l’entreprenariat féminin, elle insiste avec grande conviction sur le fait que la transformation numérique adaptée aux femmes est un facteur de progrès considérable.
- Le Président d’un think tank lance le débat sur l’impact du numérique soutenu par Nicole Ameline sur la justesse de ses propos.
- La Présidente de France Audacieuse, rédactrice de la présente note, interroge Cristina Lunghi sur la façon dont la labellisation combine ses exigences avec l’absence de respect en France par les entreprises de la loi Coppé-Zimmerman sur la place des femmes dans les conseils d’administration. Cristina Lunghi déplore la surenchère législative en France alors qu’il n’y a pas de moyens de contrôle créant ainsi un naufrage démocratique. Nicole Ameline précise alors que plutôt que de légiférer, il faudrait fixer des objectifs nouveaux, incluant le numérique.
- Jean-Pierre Magot, membre actif de Pensez Libre et par ailleurs associé d’un cabinet de consulting, rappelle que la mixité préserve l’entreprise des attaques sociales ou des attaques judiciaires.
Enfin, Stéphane Brabant se livre avec brio, en guise de conclusion, au traditionnel –et très attendu- exercice de synthèse de cette soirée. Il souligne ainsi que :
- L’avenir est dans le processus d’égalité qui est un vrai sujet humaniste.
- Il s’agit d’enjeux de société et pas seulement de business, l’égalité pouvant aussi être facteur de compétitivité.
- Il existe un facteur d’hégémonie sociale et l’égalité est un enjeu de démocratie moderne.
- Les entreprises ont un rôle déterminant, productrices de normes qu’elles doivent respecter et promouvoir, qu’elles soient écrites ou souples. Il faut lier le droit des femmes aux Objectifs de Développement Durable.
- L’exemple de l’Egypte permet de montrer qu’il faut accélérer l’histoire et casser les vieux codes de gouvernance pour arriver à un nouveau modèle de société. Et les filiales demandent souvent aux sièges sociaux de bouger et de les suivre sur le terrain. L’impulsion ne vient pas forcément du haut de la pyramide.
- Il faut changer l’histoire en construisant le monde numérique avec les femmes qui ont raté l’industrialisation au XIXème siècle.
- Le rôle de l’égalité au travers de la paix ne doit surtout pas être minimisé avec une triple responsabilité qui incombe à la France : l’exemplarité, la solidarité et la responsabilité.
- La création de ce label qui est un processus méthodologique permet en réalité aux entreprises de ne plus avoir d’excuses pour respecter l’égalité hommes femmes.
Il conclut définitivement en rappelant qu’en mars 2007 la législation sur le devoir de vigilance a été adoptée et qu’elle reprend le terme de respect des droits de l’homme. En France, on a adopté le terme des droits humains.
Et Stéphane Brabant de lancer « Merci Mesdames, vous nous avez apporté l’espoir ! »
Conclusion de France Audacieuse
Une soirée très riche de réflexion a une fois encore été proposée par l’association Pensez Libre. Madame la Ministre Nicole Ameline a apporté, avec une sincérité remarquée et remarquable, toute la force de ses convictions, de sa réflexion et de sa connaissance intime des rouages internationaux.
Cristina Lunghi nous a enrichis de son expérience de mise en place de ce label pour l’égalité hommes-femmes au sein des entreprises.
Renaud Redien-Collot a orienté les questionnements à bon escient permettant de faire progresser le débat.
Et pendant ce temps, Stéphane Brabant nous préparait des conclusions vives et intelligentes qui, à elles seules, justifiaient le déplacement.
Toute l’équipe de France Audacieuse est heureuse et fière de travailler en partenariat avec Pensez Libre.
Alexia Germont – 21 janvier 2018
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