« Mise en perspective de la finance verte » par Alexia Germont
Article publié dans le Magazine du Centre des Professions Financières de Décembre 2017
Si la notion de « Finance Verte » peut paraître à certains un peu évasive, la réalité est toute autre : la finance a désormais fait son apparition dans les diverses négociations internationales et la finance dite climatique trouve peu à peu sa place. Mais au-delà des aspects techniques, elle a un rôle indéniable à jouer dans l’afflux de liquidités vers des investissements neutre-carbone.
Rappelons tout d’abord que la COP22, sous présidence marocaine, a ratifié l’Accord de Paris (puisque plus de 55 pays représentant plus de 55% des émissions carbone l’avaient signé). Après un démarrage fulgurant, l’élection de Donald Trump est venue modifier la donne par la sortie tonitruante annoncée des Etats-Unis, qui ne devrait néanmoins intervenir que postérieurement aux prochaines échéances électorales, ce qui laisse une lueur d’espoir en la matière.
Pour mémoire, c’est lors de la COP21 que les Ministres des Finances des différents pays ont pour la première fois été associés à la négociation, ce qui a constitué, en soi, une avancée majeure. Ainsi, en 2015, l’accord de Paris a confirmé ce changement de paradigme et a marqué une volonté affirmée de mobiliser la société civile (ONG, entreprises, milieux financiers, etc…). On peut ainsi noter que la finance climatique a émergé essentiellement du fait de l’absence d’un accord sur un prix du carbone lors des négociations précédentes : force est de constater que la finance verte est donc une innovation pragmatique.
En pratique, le respect des Accords de Paris implique nécessairement une redirection massive des investissements publics et privés vers ce que les observateurs dénomment « plus de vert et moins de marron ».
Dans ce contexte, quels sont les besoins de financement et quelles offres de financement peut-on envisager ?
- En matière de besoins de financement :
Dans le mémo n°3 de septembre 2016 publié par la Fédération Bancaire Française, il est fait état de l’évaluation par l’Agence Internationale de l’Energie à 53.000 milliards de dollars des besoins d’investissement pour accompagner la transition énergétique pour les vingt prochaines années.
- En matière d’offres de financement :
Face à ces besoins considérables de financement, l’offre de financement disponible est également très abondante, l’épargne étant massive. Ainsi, lors d’une web-conférence organisée par France Stratégie le 14 décembre 2016, l’économiste Baptiste Perrissin Fabert indiquait notamment que : « NorgesBank dispose de 700 milliards de dollars, la réserve de change en Chine s’élève à 3.200 milliards de dollars, la richesse des paradis fiscaux serait de 6.000 milliards de dollars et les subventions aux énergies fossiles atteindraient 550 milliards de dollars selon l’OCDE (2013) ». Il concluait son intervention en ces termes : « La planète a donc besoin de la finance et tout le sujet est de réorienter cette épargne disponible vers des investissements neutre-carbone ».
Hormis le bon sens et un comportement civique, il est intéressant de rappeler l’un des déclencheurs de l’intérêt des milieux financiers pour la finance climatique. En effet, pour mémoire, Mark Carney, Gouverneur de la Banque d’Angleterre, est le premier à avoir alerté les milieux financiers en évoquant ce qu’il a appelé « la tragédie de l’horizon » qui pourrait leur être fatale si ceux-ci ne prenaient pas le risque climatique en compte. En effet, cette théorie met en lumière trois grandes typologies de risques qui pourraient peser sur le secteur financier, à savoir :
- En premier lieu, le risque physique avec un accroissement des catastrophes naturelles qui pèsent sur les résultats des assureurs;
- En deuxième lieu, le risque de transition (certains secteurs économiques comme le tourisme ou l’exploitation des mines de charbon risquant tout simplement de disparaître si rien n’est fait) ; et
- En troisième lieu, enfin le risque légal ou de réputation, bien compris du secteur financier.
En conscience, il est désormais urgent de redonner un sens à l’épargne de long terme, en sortant de la préférence immédiate des investisseurs pour la liquidité, et d’utiliser à bon escient le levier réglementaire. Sur ce dernier point, deux pistes pourraient être envisagées : d’une part, on pourrait valoriser l’article 173 de la loi sur la transition énergétique qui prévoit une obligation de transparence pour les investisseurs institutionnels sur les risques climatiques des investissements.
D’autre part, on pourrait mettre en œuvre le « Green supporting factor[1] » proposé par la Fédération Bancaire Française dans son mémo précité. Enfin, les nouveaux instruments de fléchage pourraient être mis à contribution pour porter des projets dont la valeur ajoutée nette est positive en terme d’écologie (obligations climat, labels transition énergétique sur des fonds d’épargne, prêts via les banques publiques d’investissement ou via la banque européenne d’investissement, investissements fléchés vers des actifs bas carbone, etc…)
Pour conclure, on ne peut que souligner que la finance retrouvera également ses lettres de noblesse dès lors qu’elle saura être dirigée vers des projets compatibles avec le développement durable et en faveur de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais le chemin reste à tracer précisément… et les investisseurs ont encore besoin de s’approprier cette nouvelle approche. Un défi audacieux mais nécessaire pour les nouvelles générations.
Alexia Germont
[1] introduction d’un facteur de réfaction applicable aux exigences de capital associées aux expositions sur les actifs favorisant la transition énergétique