« La finance verte, une arme anti-cyclone ?» par Alexia Germont
Tribune publiée le 11 septembre 2017 dans Le Cercle Les Echos
L’ouragan IRMA a dévasté Saint Martin et Saint Barthélémy dans une violence encore inconnue à ce jour. A cet instant, le discours radiophonique prononcé par Winston Churchill le 9 décembre 1952, résonne tout particulièrement.
Alors que le « Great Fog », terrible pollution atmosphérique, s’était abattu sur Londres, causant la mort de 4000 personnes en 4 jours, il rappelait au peuple britannique, avec son éloquence inimitable, que s’il ne pouvait rien contre les catastrophes naturelles… en revanche, en sa qualité de Premier Ministre, il pouvait tout pour mettre en place une politique puissante minimisant les risques.
Aujourd’hui, la destruction provoquée par IRMA et JOSE, aux noms presque doux alors qu’ils sont si violents, nous commande de nous montrer à la hauteur de nos responsabilités individuelles et collectives : tous, et au premier chef les institutions internationales, la classe politique, les ONG et la société civile, nous devons prendre la mesure du carrefour devant lequel nous nous trouvons. Proposons un « New Deal » salutaire : embrassons pleinement la lutte contre le réchauffement climatique et développons une finance utile en fléchant les moyens financiers considérables qui sont à disposition vers des investissements bas-carbone ou neutre-carbone.
Prise de conscience
Les climato-sceptiques finiront peut être par être convaincus, la Floride affrontant également à son tour des moments difficiles. Donald Trump pourrait faire marche arrière sur la sortie annoncée des Etats Unis des Accords de Paris. Rappelons d’ailleurs que l’activation formelle de cette sortie n’est prévue que postérieurement aux prochaines élections présidentielles américaines.
Emmanuel Macron pour sa part, depuis son déplacement en Grèce, a réitéré son engagement pour la lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi, il se fait l’écho des citoyens désormais sensibles à un mode de vie plus raisonné.
Pour mémoire, l’Agence Internationale de l’Energie a chiffré un scénario respectant les 2°C, dans son rapport Perspectives des technologies de l’énergie 2015 , elle évalue les besoins d’investissement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pour respecter l’objectif 2°C pour les vingt prochaines années à 53.000 milliards de dollars.
La finance peut ici démontrer toute son utilité.
Sortir du tout liquidité
Face à ces besoins considérables de financement, l’offre de financement disponible est également très abondante, l’épargne étant massive. Ainsi, lors d’une web-conférence organisée par France Stratégie le 14 décembre 2016, Baptiste Perrissin Fabert rappelait notamment que : « NorgesBank dispose de 700 milliards de dollars, la réserve de change en Chine s’élève à 3.200 milliards de dollars, la richesse des paradis fiscaux serait de 6.000 milliards de dollars et les subventions aux énergies fossiles atteindraient 550 milliards de dollars selon l’OCDE (2013) ».
En conscience, il est désormais urgent de redonner un sens à l’épargne de long terme, en sortant de la préférence immédiate des investisseurs pour la liquidité, et d’utiliser à bon escient le levier réglementaire. Les nouveaux instruments financiers de fléchage pourraient être mis à contribution pour porter des projets dont la valeur ajoutée nette est positive en terme d’écologie. Mentionnons notamment les obligations climat, les labels transition énergétique sur des fonds d’épargne, les prêts via les banques publiques d’investissement ou via la banque européenne d’investissement, les investissements fléchés vers des actifs bas ou neutre-carbone, etc…).
Les milieux financiers doivent investir dans des projets compatibles avec le développement durable, en faveur de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique. Les investisseurs avaient encore besoin de s’approprier cette nouvelle approche éthique. Gageons qu’IRMA et JOSE leur permettent de faire un pas de plus vers ce défi audacieux mais incontournable pour les nouvelles générations.
Pour conclure, les territoires aujourd’hui durement éprouvés doivent être reconstruits de façon durable car adaptée aux nouvelles contraintes des menaces climatiques. Empruntons ce chemin collectivement, avec l’aide de la finance, pour aider ces hommes et ces femmes meurtris à être à nouveau debout.
Alexia Germont
11 septembre 2017
Article publié sur le site Le Cercle Les Echos