« Nutrition et systèmes alimentaires : vers une transition nécessaire » par Marie Dewavrin
Lors de sa quarante deuxième session, en octobre 2015, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) a demandé au Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (HLPE) de préparer pour octobre 2017 un rapport sur le thème Nutrition et systèmes alimentaires.
Le rapport de ce groupe d’experts issus de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) vient de faire dix recommandations pour inciter les Etats et autres parties prenantes à façonner des nouveaux systèmes alimentaires, améliorer la nutrition, promouvoir des nouveaux modes de production, de distribution et de consommation alimentaires durables pour une « alimentation adéquate » pour tous.
Depuis la seconde guerre mondiale, le modèle agricole et alimentaire s’est construit sur un modèle quantitatif, et non pas qualitatif afin de répondre à une forte croissance démographique. Pourtant, aujourd’hui, face à l’explosion des maladies non transmissibles (diabète, obésité, hypertension artérielle, cancer…) qui représentent près de 60% des décès dans le monde, repenser les modes de production et de consommation de notre alimentation s’impose comme une évidence.
En outre, une personne sur trois souffre de malnutrition dans le monde, et ce chiffre pourrait passer à une sur deux à horizon 2030. Ainsi, la question de l’alimentation, de ses modes de production et de consommation doit être mise en perspective avec le deuxième objectif de développement durable qui stipule : « Eliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable ».
Rappelons quelques données chiffrées : 815 millions de personnes souffrent de malnutrition, 155 millions d’enfants de moins de 5 ans ont des retards de croissance, 2 milliards d’individus souffrent de carences en micro nutriments (vitamines A, D et B12, zinc, calcium et folate notamment). A l’inverse, on dénombre 2 milliards d’adultes en excès pondéral et 600 millions d’obèses dans le monde.
A l’échelle mondiale, l’obésité a plus que doublé depuis 1980 et on estime à 41 millions le nombre d’enfants de moins de 5 ans en surcharge pondérale, dont un quart en Afrique et la moitié en Asie. D’après le rapport du groupe d’experts, «l’excès pondéral et l’obésité sont à l’origine d’un plus grand nombre de décès dans le monde que l’insuffisance pondérale ».
Alors, comment résoudre ces problèmes majeurs de santé publique ? Comment lutter contre la malnutrition en ciblant certains groupes plus vulnérables qui ont des besoins accrus en nutriments (jeunes enfants, femmes enceintes ou allaitantes, personnes âgées ou malades) ? Comment freiner l’explosion de l’obésité dans le monde avec son cortège de complications, notamment l’épidémie de diabète qui en découle ? Comment ne pas s’alarmer face à ces fléaux et faire le lien avec les dérives de nos systèmes alimentaires ? Mais surtout, quelles solutions pour permettre une transition vers des modes de production, de distribution et de consommation ayant un impact positif tant pour la santé que pour l’environnement ? Enfin, quel rôle peuvent jouer les Etats et les autres parties prenantes publiques ou privées pour construire « un droit à une alimentation et à une nutrition adéquate » ?
Tel est l’objet de ce rapport et des recommandations qui sont formulées.
Objectif : mettre en place les conditions pour concilier alimentation saine pour tous, développement durable et protection de la biodiversité. Ainsi, afin de nourrir de façon durable une population mondiale en croissance constante, un changement en profondeur du système mondial d’alimentation et d’agriculture est nécessaire.
Pour atteindre cet objectif, il est possible d’agir sur la réglementation, l’information ou l’éducation pour orienter les choix des consommateurs vers des nouveaux modes alimentaires. Mais, d’après le rapport, cela ne suffit pas pour « impulser un changement en profondeur des habitudes de vie ». Il faut avant tout « renforcer la disponibilité et l’accessibilité des aliments sains pour promouvoir une alimentation équilibrée ».
Quelques pistes sont proposées : « des mesures pour stimuler l’adoption de pratiques agro-écologiques et d’autres types de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement », « mettre en place des incitations financières pour inciter les détaillants et magasins d’alimentation (…) à vendre des produits sains, contenant moins de sodium et davantage de fruits, de légumes et d’huiles bonnes pour la santé », « mettre en œuvre des politiques économiques et sociales qui stimulent la demande d’aliments nutritifs et font reculer la demande d’aliments de piètre qualité nutritionnelle ».
Reste à espérer que ces recommandations seront suivies d’effet et permettront de contribuer à la construction d’un avenir meilleur pour éradiquer la faim et agir sur des comportements alimentaires « durables » ayant un impact positif sur la santé des individus et respectueux de l’environnement.
Marie Dewavrin
26 novembre 2017
Les dix recommandations du groupe d’experts :
- Renforcer l’intégration des considérations liées à la nutrition dans les politiques, programmes et budgets nationaux
- Renforcer la coopération à l’échelle mondiale pour mettre un terme à la faim et à la malnutrition
- Traiter les effets des accords relatifs au commerce et à l’investissement sur les environnements et les régimes alimentaires
- S’attaquer aux vulnérabilités nutritionnelles de certains groupes
- Améliorer les résultats nutritionnels en faisant progresser les droits et l’autonomisation des femmes
- Prendre acte des conflits d’intérêts et s’employer à les régler
- Améliorer la collecte de données et le partage des connaissances sur les systèmes alimentaires et la nutrition
- Multiplier les occasions d’améliorer les régimes alimentaires et les résultats nutritionnels tout au long des chaînes d’approvisionnement alimentaire
- Améliorer la qualité des environnements alimentaires
- Stimuler la demande d’aliments nutritifs