Après les primaires à droite puis les primaires à gauche, la campagne présidentielle aura paru bien longue à nos concitoyens. Lassés de mois de rebondissements en tous genres, ils viennent de trancher.
Emmanuel Macron est élu huitième Président de la Vème République, avec un très beau score d’environ dépassant 65 % des suffrages exprimés, représentant plus de 20 millions de voix. La participation serait en baisse à 74,7% selon Ipsos et le nombre de votes blancs atteindrait environ 12% des suffrages.
Le candidat Macron a réussi son pari, fort d’une incroyable baraka. Pourtant, Président désormais élu, il lui reste à affronter les rudes épreuves qui s’annoncent.
Ce serait néanmoins commettre une erreur profonde d’analyse que de minimiser l’incroyable sens politique d’Emmanuel Macron : il a tout d’abord su indéniablement construire, lors de son passage au secrétariat général de l’Elysée ou au gouvernement, une image sur le terrain d’homme du renouveau, à l’écoute et portant ses dossiers avec énergie. Autant de points d’ancrage nécessaires à une organisation efficace de campagne, qui se sont révélés précieux le temps venu. Ensuite, il a su combler le besoin immense de nos concitoyens de renouvellement de l’offre politique auquel les mouvements citoyens n’ont pas été en mesure de répondre. Enfin, il aura su faire oublier à ses électeurs son émancipation parricide de François Hollande, alors que traditionnellement l’électorat n’aime pas les infidèles.
Dans les milieux financiers, cela s’appelle une OPA réussie. Or, en affaires comme en politique, rien n’est possible sans une dose de chance. Et sur ce point, le candidat Macron a bénéficié d’un alignement des planètes inespéré, s’apparentant à une baraka inédite dans l’histoire politique récente de notre pays.
Au premier tour, sur son angle droit, l’émergence des affaires mettant en cause François Fillon a inévitablement participé à l’effondrement du bloc du parti Les Républicains. Sur son angle gauche, la désignation inattendue de Benoît Hamon lui a également laissé le champ libre, compte tenu des vases communicants au profit des troupes des Insoumis.
Les eaux de la Mer rouge se sont alors ouvertes devant le candidat Macron, lui permettant d’accéder au second tour devant Marine Le Pen. Après une première semaine de campagne réussie par Marine Le Pen, il était fortement à craindre que l’écart entre les candidats ne se resserre. Chanceux une fois encore, le débat de l’entre-deux tours aura permis à Emmanuel Macron d’émerger alors que plus de 16 millions de téléspectateurs auront assisté, en direct, au suicide politique inattendu de la candidate frontiste d’une agressivité hors normes et sans réel programme.
Emmanuel Macron est maintenant face à l’histoire et porte une responsabilité immense devant le peuple Français. Le plus difficile reste à faire pour le Président Macron, à commencer par se construire une majorité parlementaire. Aucun état de grâce n’est à espérer pour le Président nouvellement élu. Puisse t-il ne pas commettre l’erreur de penser qu’il a recueilli un vote d’adhésion pleine et entière de 20 millions de nos concitoyens. Des décisions porteuses de rassemblement devront combler l’absence mécanique d’enthousiasme d’une partie de ses électeurs au second tour. Dans une France clivée en quatre grandes forces politiques à l’issue du premier tour, et alors que le pôle des votes populistes et anti-système aura recueilli plus de 10 millions de voix sur le nom de Marine Le Pen au second tour, Emmanuel Macron est désormais le Président d’une France fragilisée et explosive. Nul doute que par son caractère et ses convictions, il aura à cœur d’amorcer les réformes qui n’ont que trop tardé. Mais la rue n’est pas bien loin et souhaitera volontiers se faire entendre, ne partageant pas les convictions du Président sur de nombreux sujets clivants tels que, notamment, la réforme du droit du travail par ordonnances ou la modification en profondeur du système des retraites. Dans un contexte tendu sur fond de terrorisme, le chemin de la réconciliation nationale est abrupt et le Front National compte bien incarner une opposition forte.
Pour conclure, on ne peut raisonnablement prédire à ce stade si l’on assiste à un recul passager ou à la disparition programmée des grands partis politiques traditionnels. Notons que des digues réelles sont néanmoins tombées pendant cette campagne présidentielle imprévisible et d’une violence inouïe : l’accord de gouvernement passé entre Nicolas Dupont-Aignan et Le Front National est historique et l’existence de «En Marche ! » occupe désormais un espace novateur au centre, encore inexistant il y a un an à peine.
Mais le panorama politique ne sera complet qu’après les législatives qui donneront la juste cartographie politique du pays. Si les partis traditionnels ont encore du souffle, il se peut que l’on assiste à un retour des électeurs dans leur giron d’appartenance, avec une possible cohabitation.
Il reste que pour le redressement de notre pays, il est à espérer qu’à l’issue de ces prochaines échéances, nous puissions expérimenter un « parlementarisme constructif » appelé de ses vœux encore récemment par l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, pour appuyer les justes réformes qui s’imposent.
Un changement profond de système politique est donc « en marche », mais le Front National est toujours bien présent.
N’oublions jamais que sans des réformes apportant des jours réellement meilleurs pour nos concitoyens, les tentations frontistes ne seront que décuplées en 2022.
Alexia Germont
7 mai 2017
Texte publié sur le Huffington Post