Conférence de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution
« Les FinTech : un challenge pour la réglementation et la supervision »
Vendredi 25 novembre 2016 – Palais Brongniart
Cette conférence annuelle a d’abord été ouverte par François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France et Président de l’ACPR pour poser la problématique de la matinée : quel business model pour les établissements financiers face à la révolution digitale. Il a immédiatement insisté sur sa conviction que le conseil humain restera toutefois indispensable à la relation avec les clients.
Puis il a indiqué que l’innovation passe notamment par l’adaptation de la gouvernance des établissements, par l’ouverture vers le monde académique, mais aussi par l’adaptation des systèmes d’information qui devront être à la fois plus souples mais aussi plus sûrs et surtout par l’adaptation de la supervision réglementaire. Il a également rappelé que la loi Sapin II autorise le recours à la blockchain dans certaines conditions.
Enfin, il a mentionné que l’ACPR a créé un pôle dédié aux FinTech en liaison avec l’Autorité des Marchés Financiers et que la Banque de France a recruté depuis peu un nouveau Chief Digital Officer.
Pour conclure ce message d’introduction, le Gouverneur de la Banque de France a alerté sur la baisse prévue des ressources allouées à l’ACPR dans le projet de loi de finances pour 2017, incompatibles avec le rôle attendu de l’autorité de tutelle.
Puis Nathalie Beaudemoulin, coordinatrice du pôle FinTech Innovation de l’ACPR, a présenté la démarche d’adaptation de l’autorité de tutelle par la création le 1er juin 2016 du pôle FinTech Innovation. Le sujet de l’innovation étant transversal, quelques 15 experts exercent au sein de ce pôle avec des compétences complémentaires sur les systèmes d’information, juridiques, techniques sur la Blockchain.
Elle a également dévoilé que depuis la mise en place du pôle, l’ACPR a reçu plus de 60 visites, y compris une trentaine de porteurs de projets innovants régulés. Elle en retire les conclusions suivantes :
- Une démarche en amont des porteurs de projets de FinTech : l’ACPR applique un formalisme plus faible que traditionnellement, une grande réactivité et la priorité est donnée aux porteurs de projets eux-mêmes et non aux cabinets de consultants ou d’avocats ;
- Des experts sont mobilisés en interne, sans toutefois tomber dans un rôle de conseil que l’ACPR ne saurait endosser ;
- Une volonté des acteurs d’intégrer la dimension réglementaire (pour plus de crédibilité, pour une meilleure levée de fonds)
- Une forte dimension d’innovation souvent inspirée des pratiques étrangères
- La réglementation devient un facteur de confiance
Enfin, Nathalie Beaudemoulin a donné un éclairage particulier au Forum FinTech lancé le 18 juillet 2016 et dont la seconde session s’est déroulée le 4 octobre dernier : plus de 30 professionnels y étaient réunis et la prochaine session est attendue en janvier 2017. Plusieurs sujets y sont étudiés :
- Proportionnalité de la réglementation entre les nouveaux entrants et les acteurs déjà régulés, à mettre en perspective avec l’approche dite « Sandbox » du régulateur britannique.
- Identification des clients à distance et signature électronique (réflexions en liaison avec la 4ème directive de Bruxelles)
- Usage des données de la clientèle (réflexions avec la CNIL)
- Accroissement de la compétitivité de la place de Paris dans un contexte post Brexit
- Approches distinctes de régulation : l’ACPR est neutre et pose un principe d’égalité devant la loi, tandis que le FCA (régulateur britannique) choisit expressément des projets
Par la suite, Franck Guiader, directeur de la division FinTech, Innovation et Compétitivité de l’Autorité des Marchés Financiers a exposé l’organisation de l’AMF et les premières tendances observées. Il a ainsi dévoilé que 25 personnes travaillent actuellement à l’AMF sur les sujets FinTech.
Les principaux sujets traités par l’AMF sont le conseil automatisé, le financement participatif, les technologies blockchains et les méga données (le Big Data). Détaillant un peu plus ces sujets traités, il a insisté :
- sur la nécessité de positionner la place de Paris comme le « Hub » d’Europe continentale donnant accès au marché européen, et
- sur l’approche alternative de l’AMF sur la « SandBox », en cohérence avec celle défendue par l’ACPR.
La conférence s’est poursuivie avec l’intervention de Didier Warzée, expert au pôle FinTech Innovation de l’ACPR qui a mis en perspective les chiffres : En France, le milieu de la FinTech représente plus de 50 acteurs dont 54% ont un statut régulé du fait de leur activité.
Cela représente plus de 130 M EUR de levées de fonds pour une quarantaine d’opérations depuis début 2016. Ce chiffre concerne notamment le domaine de l’assurance (InsurTech) qui connaît une très forte croissance. Mais cela reste faible comparé au niveau mondial (7GEUR au 1er semestre 2016) et la France se place en 3ème position du secteur en Europe.
Enfin, Pierre Bienvenu, également expert au pôle FinTech Innovation de l’ACPR en matière internationale a rappelé que l’écosystème réglementaire et de supervision français était en grande partie encadré par le droit européen. Il a insisté sur le lancement de discussions avec la Commission européenne. L’ACPR souhaite ainsi défendre une position française au sein de l’Europe avec 4 objectifs bien isolés :
- Cohérence et coordination entre l’ACPR, la Banque de France et l’AMF
- Instaurer une veille active du marché
- Effectuer la promotion d’une approche équilibrée (par opposition à celle défendue par les autorités de tutelle britanniques
- Anticiper l’avenir et le développement du marché des FinTech
Conclusion de France Audacieuse
- une conférence technique, ce qui est bien normal
- des intervenants de qualité,
- une transparence des autorités de tutelle sur leur organisation à saluer car plutôt inhabituelle.
Alexia Germont – 27 novembre 2016