14ème Colloque du Conseil d’Orientation des Retraites
«Le financement du système de retraite français »
Lundi 12 décembre 2016
Maison de la Chimie
Ouvrant les travaux, Pierre-Louis Bras, Président du COR, a rappelé qu’en 2015, 14% du PIB ont été consacrés au financement du système des retraites. Vu l’enjeu, il convient d’analyser si les prestations sont bien calibrées, quels sont les effets sur l’économie de ces prélèvements et si la répartition des contributions est équitable ; c’est l’objet de la première partie du colloque, la deuxième partie faisant le point sur les modes de gestion des dettes accumulées et les réserves.
Franck von Lennep, Directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), a ensuite procédé à une présentation synthétique du système de retraite, de la diversité des ressources et des liens financiers entre les régimes de retraite, avec une logique générale fondée sur la solidarité. Plus des trois quarts des ressources du financement des retraites proviennent des cotisations avec d’immenses disparités entre les régimes, notamment pour des raisons liées à la démographie. Il y a plusieurs entrées d’analyse possibles de ces régimes : par l’assiette de financement, par les transferts entre les régimes qui ont seulement pour but un rééquilibrage, par les transferts en provenance de tiers afin d’augmenter les ressources. La complexité des systèmes de financement, la difficulté de connaître l’assiette et les subventions d’État rendent difficile la comparaison entre pays européens, même s’il apparaît un rapprochement dans les structures de financement en Europe.
Puis Gérard Cornilleau, Conseiller scientifique à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), membre du Haut conseil au financement de la protection sociale, a présenté les enjeux macro-économiques du financement des retraites et souligné que la retraite s’analyse comme un salaire différé alimenté par les revenus courants. La question est de déterminer qui est le payeur final ; par exemple, y a-t-il une logique à partager les cotisations entre les charges salariales et les charges patronales ? Il conclut sur l’équivalence à très long terme des cotisations sociales employeurs et salariés qui inciterait à basculer sur les salariés toutes les cotisations avec un salaire brut réajusté d’autant. Mais ce n’est pas une mesure soutenue politiquement.
Enfin Anthony Marino, Chargé de mission au secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites, a présenté les évolutions des modes de financement et des efforts contributifs en matière de retraite. L’ensemble des prélèvements et transferts a augmenté depuis 1987 ; le financement par les cotisations reste très majoritaire mais les autres sources de financement, notamment impôts et taxes ont augmenté plus rapidement ; il y a une tendance lourde de compenser la baisse des cotisations par l’augmentation des taxes : ainsi la CSG a vu son assiette et son taux augmenter et représente à présent 0,5 % du PIB.
En réponse à des questions dans la salle, les intervenants ont précisé que quel que soit le système de calcul pour la retraite par répartition (annuités ou points), les mêmes questions se posent à savoir l’âge de départ à la retraite, le niveau de la cotisation, le niveau des prestations de retraite.
Ils ont rappelé les fortes économies générées par l’augmentation de l’âge de départ à la retraite avec cependant des reports de dépenses vers d’autres caisses : par exemple dépenses de maladie accrues pour les salariés âgés.
Ils ont également considéré qu’une augmentation de la TVA sociale n’aurait qu’un effet transitoire du fait d’une hausse probable des salaires consécutive à cette augmentation de la TVA.
La deuxième partie du colloque a permis de présenter la gestion des réserves et des dettes du système de retraite français.
Jean-Jacques Marette, Directeur général honoraires de l’AGIRC et de l’ARRCO, membre du Conseil d’orientation des retraites, a fait le point sur le pilotage des réserves dans les régimes complémentaires en répartition. L’une des caractéristiques du régime en répartition est que les cotisations de l’année financent les prestations de la même année – la raison d’un régime de répartition est d’être à l’équilibre – il est cependant nécessaire de piloter en pluriannuel. Les différences entre les horizons pour le pilotage pluriannuel, tiennent compte des différences des régimes : par exemple la SNCF a quatre années de réserve, car il y a une forte volatilité de son assiette. Il a enfin souligné l’importance de ces réserves : de 2007 à 2015, 18 milliards de produits financiers ont été produits par le placement des réserves tout en respectant des objectifs forts de sécurité (pas plus de 30 % de placements en actions), d’utilité sociale dans le placement des réserves et de financement de l’économie française.
Monsieur Philippe Desfossés, Directeur de l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP), a présenté le pilotage de ce régime. Il s’agit d’un fonds de pension public géré en capitalisation, obligatoire, par points, pour permettre aux fonctionnaires de cotiser sur leurs primes. Structurellement ce régime génère des cash-flows nets positifs très importants c’est donc un prêteur institutionnel, l’un des plus gros investisseurs de long terme : environ 2 milliards d’euros par an sur les 10 prochaines années.
Anne Lavigne, Responsable des études au secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites, a ensuite évoqué les évolutions du fonds de réserve pour les retraites (FRR), créé en 2001; elle a ainsi rappelé le débat entre répartition et capitalisation, et évoqué le rapport Charpin qui présente une vision pessimiste par opposition au rapport Teulade dont la vision est à la fois plus optimiste et plus en faveur d’un système par répartition. Ce fonds conçu à l’origine pour lisser la bosse démographique du baby-boom, est lui aussi un investisseur public de très long terme ; aujourd’hui il n’est plus abondé et n’est plus un fond de lissage : sera-t-il demain un fonds de précaution ou de stabilisation conjoncturelle ? Ou encore un fonds permanent pour financer la solidarité ?
Enfin Patrice Ract Madoux, Président de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) a évoqué la gestion de la dette issue du système de retraite et le rôle de la CADES. Il a rappelé l’historique de la création de la CADES – avec son financement affecté, la CRDS- qui devait s’achever en 2009 mais dont la durée de vie a été prolongée à plusieurs reprises jusqu’en 2025. La CADES a repris à ce jour 260 milliards d’euros de dette sociale. Elle en a amorti environ la moitié, en grande partie à l’étranger. Ce système a ainsi permis de diminuer la dette publique française de 6,6 points de PIB. La CADES devrait disparaître en 2025 comme la CRDS mais l’on peut se demander si on n’est pas en train de créer un instrument pour pérenniser la dette, et ce d’autant que la plupart des emprunts de cette année ont été effectués avec des taux réels négatifs, alors qu’une autre solution était d’augmenter la CRDS.
Enfin, concluant les travaux du colloque, Pierre Louis Bras a rappelé l’effort important consacré au financement des retraites – certes avec des déficits mais aussi avec des réserves- et la complexité du système.
Conclusion de France Audacieuse
Des intervenants de grande qualité et avec hauteur de vue, sachant rendre passionnants des points très techniques, voire arides.
Ce colloque a mis en avant la grande sophistication et l’inventivité de l’ingénierie financière française permettant le traitement et le financement des dettes et des retraites françaises: la lisibilité du système de financement des retraites demeure toutefois une vraie question, comme l’ont souligné les intervenants.
On voit également se dessiner les mécanismes de financement de demain pour faire face à la transformation du salariat avec l’irruption de l’économie numérique.
De vrais enjeux politiques et sociétaux aussi, par l’impact sur l’ensemble de l’économie, par le choix des modes de financement et refinancement.
A travers le système des retraites c’est toute une vision de la société qui se dessine.
Le dossier est très loin d’être clos…
Nathalie Kaleski – 6 janvier 2017
(Pour une présentation exhaustive du sujet, on pourra utilement se reporter au dossier complet du colloque - documents de présentation des différents intervenants et synthèse des travaux – publié sur le site du COR)