« Fraternité à tous les étages ! »
Atelier Fraternité animé par Bénédicte Fumey pour le Pacte Civique
28 juin 2017
Le think tank France Audacieuse, représenté par Hélios Privat et Magdalena Ruiz Marmolejo, était présent lors de l’Atelier Fraternité animé par Bénédicte FUMEY pour l’association LE PACTE CIVIQUE. L’objectif était de participer à un moment fort d’échanges autour du thème de la « Fraternité à tous les étages ».
Notre devise « LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE » est toujours d’actualité lorsqu’il s’agit d’évoquer les valeurs incarnées par notre République. Cependant, on n’accorde pas la même place aux trois termes du triptyque. La Liberté fait partie de nos fondamentaux dans tous les actes de la vie publique et l’Egalité est poursuivie comme un objectif primordial de l’action politique. Ce n’est pas toujours le cas de la Fraternité qui fait souvent figure de parent pauvre que l’on remplace à tort par le mot Solidarité.
Le but de cette rencontre était de promouvoir « la fraternité à tous les étages » en lui donnant un souffle nouveau afin d’améliorer la qualité du vivre ensemble.
SEQUENCE 1 :
L’éducation, une voie vers la fraternité par Jean-Claude DEVEZE.
Pour l’intervenant, la loi de 1905, en imposant la neutralité du discours pédagogique, ne favorise pas les échanges fraternels entre les communautés. Au sein de l’école publique elle néglige tout particulièrement la différence de leurs origines spirituelles et culturelles. Dans d’autres milieux, il semble plus facile de faire vivre la fraternité : dans la vie de famille, dans la vie locale et même syndicale. En famille, ces liens de fraternité peuvent se traduire par une aide aux devoirs, une éducation civique, un respect de la parole. La fraternité émerge d’une relation entre un éduquant et un éduqué. Dans un syndicat ou dans un parti politique, la fraternité se crée malgré des avis différents : c’est une école du discernement et le regroupement de personnes voulant un vivre-ensemble.
Pour retrouver un esprit de fraternité, il serait nécessaire d’opter pour une pratique apaisée de la laïcité. D’après l’orateur, nous devrions nous inspirer de l’évolution d’autres communautés, plus libérales, qui ont choisi de se reconnaître dans la diversité des cultures qui composent leur société.
Il pense que nous devrions dépasser nos désaccords pour les surmonter et les reprendre plus tard pour faire avancer le sujet. La fraternité devenant alors une valeur de recomposition sociale.
L’éducation pour créer les conditions de la fraternité par François Ledoux.
Notre pays est constitué de sociétés en recherche d’équilibre. Il faudrait donc articuler transformation personnelle et transformation sociale.
Pour certains, nous devons être en harmonie avec les gens qui nous entourent pour éviter de nous empoisonner l’existence.
Pour d’autres, c’est le contraire : ce qu’ils recherchent c’est la fragmentation de la société en produisant des inégalités voulues par leurs dirigeants.
C’est souvent la voie choisie par les élites qui reproduisent dans leurs discours comme dans leurs actes un certain conformisme.
Il propose alors que dans la formation des jeunes, on valorise l’apprentissage, le seul susceptible de permettre réellement à chacun de s’exprimer, en valorisant les talents et l’expérience de chacun.
Fraternité, spiritualité, laïcité par Yvon Rastetter.
Il construit son exposé autour de quatre points :
- prendre exemple sur les accords de Matignon qui sont une bonne propédeutique pour une meilleure cohabitation entre communautés.
- dans les pays en voie de laïcisation/sécularisation le communautarisme est un obstacle à la paix civile par sa volonté d’instaurer des règles spécifiques en dehors des lois de la communauté nationale.
- La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme est le socle permettant une cohabitation paisible et fraternelle entre communautés eu sein d’une même communauté nationale.
- Le processus de laïcisation/sécularisation est propre à chaque communauté historique nationale et doit concilier l’universel et les particularismes historiques.
- Il faut en même temps, dans leur complexité, articuler le processus de sécularisation/laïcisation et les processus d’évolution composant les communautés religieuses et culturelles.
C’est ainsi que l’intervenant définit le travail indispensable pour une coévolution fraternelle et paisible des communautés, au sein et entre, les communautés nationales. Il lui semble nécessaire de donner une éducation à la pensée complexe, pour dépasser la dichotomie communauté nationale vs communauté religieuse ou culturelle.
Fraternité et solidarité : proximités et différences par Jacques Lecomte.
En reprenant l’idée selon laquelle la « Fraternité » serait le parent pauvre de notre devise, il pense qu’il est urgent d’avoir une politique de la fraternité.
Pour lui, la droite privilégie la « Liberté », alors que la gauche promeut l’ « Egalité ».
Il revient donc aux membres de la société civile d’être porteurs de la « Fraternité ».
Nous devons apprendre à faire la différence entre la fraternité et la solidarité.
La fraternité est issue des valeurs mises en exergue dans la Constitution de 48. Elle prend ses origines dans la volonté de mettre un terme à l’esclavage et d’introduire le suffrage universel. Nous sommes tous issus du même Père donc nous sommes tous Frères.
Plus tard, la solidarité naîtra avec le principe de Solidarité Nationale concrétisé par la mise en œuvre de la Sécurité Sociale.
Aujourd’hui, on oublie cela au bénéfice d’un service public que l’Etat nous doit.
Nous devons comprendre que nous ne sommes pas qu’un simple n° de Sécurité Sociale. La solidarité est devenue la forme étatique de la fraternité, mais on ne peut pas ignorer l’aspect humanitaire qui est le fondement de la fraternité.
Lorsque l’Etat prend en charge les problèmes individuels, la population se désolidarise. La fraternité pourrait être envisagée comme une ressource pour relancer la solidarité.
Il n’existe pas de fraternité exclusive, seule une fraternité inclusive qui accepte l’autre dans sa différence, est la vraie fraternité. A l’image de ce que voulaient les Constituants de 93, il n’y a pas de République sans cette Fraternité.
Dans ce domaine comme dans d’autres, l’efficacité n’est pas dans la compétition mais dans la collaboration. Il reprend alors à son compte l’idée que la laïcité serait un frein à la fraternité : seule la solidarité avec l’inter-religieux permettrait de tendre la main à l’ennemi.
Fraternité, un projet politique par Jean-Louis Sanchez.
Il constate qu’il n’y a pas de déficit de biens mais un déficit de liens et de repères.
Le projet politique qu’il défend c’est de laisser à l’Etat les notions de liberté et d’égalité. Pour lui, la fraternité c’est l’affaire du « local ». Il revient principalement à toutes les Mairies de France de faire émerger les solutions d’une nouvelle citoyenneté pour nos jeunes.
Nous devons leur apprendre le souci de la réalité des gens, les aider à développer un projet de société autour du concret. C’est le moyen de retrouver une exigence éthique : respecter le contrat moral que nous avons sur l’avenir de nos enfants.
Nous devons restaurer un cap autour de la fraternité en invitant au bénévolat partout, y compris dans les services publics.
Il imagine des Maisons de la Fraternité dans les écoles dans les centres sportifs, dans les centres sociaux. Le bénévolat est pour lui le meilleur moyen de se protéger contre la dépendance. C’est le retour du collectif comme antidote à l’individualisme néfaste.
Développer la proximité entre citoyens c’est retrouver du lien et avoir des repères : « …mon plus proche parent c’est mon voisin… ».
Il propose ensuite de réfléchir à sa conception du « Service Public « :
Il considère que les services publics s’intéressent d’abord à l’intérêt de leurs agents avant de prendre en compte celui du public auquel il s’adresse. Il pense qu’il ne peut y avoir de garantie de l’emploi sans esprit de mission. Bien faire son métier c’est avant tout, vérifier que ce que l’on a fait a atteint son but.
C’est cet objectif qui donne toute sa légitimité à la décentralisation. L’Etat de son côté doit aider à agir en donnant les moyens de faire. Son rôle n’est pas de faire à la place des autres.
Il pense que la fraternité est une valeur au service de la solidarité. On arrivera à faire bouger les politiques par l’exaspération, pas par des papiers : « on obtient des choses que par le combat ».
La fraternité c’est l’addition des acteurs : d’abord nous même, ensuite la rue, puis la commune, enfin l’Etat.
Quand il y a un problème on trouve toujours un bouc-émissaire alors que bien souvent la source du problème est en soi. Nous devrions nous remettre en question avant d’interpeler les autres.
Il est indispensable de mettre de côté nos objectifs personnels au profit d’un travail collectif. Apprenons à devenir des entrepreneurs de fraternité d’abord dans des petits cercles et sans rivalité. Ainsi chacun contribue à un changement.
SEQUENCE 2
La fraternité en marche par Jean-Baptiste Foucault.
Il s’agit d’une proposition de débat autour d’un dispositif d’actions pour lier quinquennat et fraternité.
Parmi les propositions évoquées on peut retenir :
- la nécessité de repositionner la Fraternité au centre des valeurs républicaines.
- reconnaître que le gouvernement au nom de l’Etat ne peut pas tout faire mais il doit promouvoir chaque terme de notre devise.
- l’acceptation d’être déterminé par autrui et pas de s’autodéterminer
- concrètement nous pouvons reprendre la technique de la Commission Européenne. Rédiger un livre vert afin de poser les questions à traiter, puis un livre blanc qui synthétise les réponses et fait des recommandations et enfin des débats avec les institutionnels.
Le débat qui suivra prolongera avec intérêt cet exposé en l’élargissant à des questions pertinentes (quel lien entre fraternité et mondialisation?; en quoi cela est-il dérangeant pour le « chacun pour soi » ?; comme le marché partage mal n’a t-on pas envie de partager trop ?; que peut-on faire pour que la fraternité soit un enjeu de cohésion sociale ?) .
Conclusion de France Audacieuse :
Nous nous sommes retrouvés autour de personnes qui se connaissent et ont des sensibilités très proches. Cette connivence nous a permis d’apprécier la grande liberté de parole autour d’échanges fructueux ainsi qu’une envie de proposer des solutions concrètes.
Toutefois, il est probable que dans des circonstances différentes de « l’entre-soi », certains propos auraient soulevé des oppositions marquées.
Nous avons aimé le niveau de réflexion stratégique en vue de la mise en place d’une démarche positive.
Magdalena RUIZ MARMOLEJO et Hélios PRIVAT
19 juillet 2017
http://www.pacte-civique.org/FraternitE