« Comment encourager l’innovation en France
pour créer des emplois et de la croissance ? »
Communication par Madame Anne Lauvergeon lors de la séance publique du 29 mai 2017
à l’Académie des Sciences Morales et Politiques
Dans le cadre du thème d’étude « Les Réformes », défini pour l’année 2017 sous la présidence de Michel Pébereau, l’Académie des sciences morales et politiques a convié Anne Lauvergeon, Présidente de la « Commission Innovation 2030 ».
Installée en avril 2013, cette commission a rendu son rapport en octobre 2013. Sa mission: penser l’innovation en France à l’horizon 2030 et déterminer les domaines où la France a du potentiel pour développer des innovations majeures, afin d’assurer « à la France prospérité et emploi sur le long terme ».
Le sujet moteur de cette commission est donc de savoir comment encourager l’innovation.
Anne Lauvergeon a souligné l’existence d’une lame de fond très forte pour l’entreprenariat et rappelé que si l’économie numérique était née aux États-Unis, la France était devenue un terreau de nouvelles entreprises dans ce domaine. Tout est allé très vite: en 2007, l’iPhone, les réseaux Facebook et Twitter émergent, Google rachète YouTube, IBM lance Watson, Airbnb démarre. C’est la première année où les data deviennent plus importantes que la voix.
2007, c’est l’acmé par rapport aux années antérieures aux Etats-Unis. On l’a oublié, car la crise a éclaté à ce moment-là.
Aujourd’hui en France, l’évolution est très forte : les jeunes issus des écoles de commerce ou d’ingénieurs veulent majoritairement devenir entrepreneurs. Un second phénomène apparaît : des salariés de grands groupes veulent aussi rejoindre l’aventure, et également des personnes venant de la fonction publique. C’est donc un phénomène qui touche tout le monde et tous les âges. Et aujourd’hui, avec l’innovation et les entreprises innovantes, c’est aussi la possibilité de rebattre les cartes pour ceux qui ne sont pas issus des grandes écoles.
En mars 2013 a été constituée une Commission dénommée Innovation 2030 avec pour objet de faire des choix pour 2030 et définir quels secteurs seraient importants à ce moment-là. L’autre objectif était de voir comment innover plus vite et faire grandir les entreprises innovantes.
Il ne s’agit pas d’innover pour innover : l’innovation est en fait source de création de richesse au niveau macro-économique et permet aussi d’augmenter le bien-être des citoyens. Pour cela, il faut des innovations concrètes : de nouveaux services, de nouveaux usages, de nouveaux transports. On traduit souvent en France la notion d’innovation par les termes de «technique», «laboratoire», «recherche et développement». Or la signification de l’innovation est plus large.
Pour remplir sa mission, la Commission a d’abord cherché à identifier les besoins et les attentes montantes de la population au niveau mondial en 2030 car pour que l’innovation fonctionne, il faut qu’il y ait un marché ; ainsi on a ré-inventé 7 fois le métier à tisser en Grande Bretagne au XVIIIe siècle avant de trouver son marché.
La Commission a relevé plusieurs mouvements de fonds ou grandes tendances : allongement de la durée de vie, croissance de la population mondiale, augmentation de l’urbanisation, augmentation de la classe moyenne, importance de la question climatique, révolution numérique, tensions croissantes sur l’eau, l’énergie, la nourriture, les matières premières et évolution des comportements de consommateurs par exemple dans leur conception des rapports à l’environnement.
Une fois le diagnostic des grands besoins établi, la Commission s’est ensuite penchée sur les secteurs à développer pour répondre à ces besoins, en cernant les secteurs considérés comme des atouts ou des acquis de la France. En croisant les grandes tendances et les atouts de la France, la Commission a ainsi identifié 7 ambitions stratégiques pour la France : le stockage de l’énergie, le recyclage des matières (métaux rares), la valorisation des richesses marines (métaux et dessalement de l’eau de mer), les protéines végétales et la chimie du végétal, la médecine individualisée, la silver économie (l’innovation au service de la longévité) et la valorisation des données massives (big data).
La Commission a procédé à beaucoup d’auditions pour essayer de voir ce qui se faisait ailleurs. La plupart des pays ont une politique d’innovation, y compris les plus libéraux et les moins étatiques. La Commission a aussi recommandé de réformer le contexte dans lequel les entreprises évoluent et proposé de poser le principe d’innovation à côté du principe de précaution lequel ne doit pas être un obstacle à l’innovation. Il s’agit de porter le principe d’innovation pour venir équilibrer le principe de précaution, pour qu’il y ait une sorte de balance entre les deux. Cela implique d’encourager l’expérimentation, il faut qu’il y ait un droit à l’échec, il faut apprendre la prise de risque. Le seul autre pays à avoir explicité le principe de précaution dans sa constitution est l’Équateur ! C’est la définition du principe de précaution qui pose problème : c’est un système qui ne pousse pas à l’innovation.
La Commission a préconisé une mise en œuvre rapide et concrète de ses propositions. Pour cela elle propose des leviers d’actions adaptés à chaque cas : commande publique, concours d’innovation, prise de participations, simplifications réglementaires…
Ainsi, la commande publique pèse environ 200 milliards d’euros par an tout en étant « fâchée » avec l’innovation, et cela tout particulièrement dans les secteurs de la santé, du fait notamment des règles régissant les marchés publics (le Public ne peut acheter que s’il y a situation de concurrence). Or de ce point de vue, la France va au-delà des règles du droit européen de la concurrence. La Commission préconise que 5% de la commande publique soit consacré à des achats innovants auprès de très petites entreprises innovantes.
Pour encourager et stimuler l’innovation, pour faire émerger les talents et les futurs champions de l’économie française, pour les repérer et accompagner leur croissance, la Commission a également préconisé des concours pour sélectionner des projets autour d’innovations stratégiques avec trois niveaux de fonds alloués, les jury étant composés de membres de la société civile, d’experts et de représentants des ministères, ce qui permet une pluralité des points de vue. Les entreprises retenues dans ces concours peuvent ne pas être françaises dès lors qu’elles s’implantent en France.
Est-ce que l’innovation apporte de la croissance et/ou détruit de l’emploi ?
Anne Lauvergeon n’a pas trouvé d’étude française pour y répondre mais une étude américaine qui est très intéressante. Il est clair que l’on a confondu innovation et gain de productivité – même si la productivité vient aussi de l’innovation- or 85% des emplois perdus le sont par l’augmentation de la productivité, et pas par la délocalisation, la globalisation ou l’innovation. Il n’y a pas de solution idéale pour le maintien de l’emploi. On va créer des cols blancs mais pas beaucoup de cols bleus. Même s’il n’y a pas de vérité absolue sur le sujet, on ne peut faire abstraction des immenses forces en jeu. Il y a une voie à trouver entre la création destructrice et la destruction créatrice. Mais il est vrai qu’en France les nouveaux gains de productivité sont freinés par la société qui les redoute dans le cadre d’une baisse continue de l’emploi industriel.
Par ailleurs, n’étant pas rentrée dans la technique, mais s’étant basée au contraire sur les besoins et les atouts qui sont connus, la Commission Innovation ne devrait donc pas s’être trompée dans ses projections.
Enfin, si la fiscalité est un facteur important, il n’est pas le seul ; il faut tenir compte de l’aquarium. Chaque pays a son «aquarium» et sa culture, et il n’y a pas d’aquarium idéal. Force est de constater que l’aquarium américain est très efficace et l’on ne peut changer notre aquarium et notre culture. Mais souvent décrié, notre dirigisme d’Etat peut donner de bons résultats; ainsi le dispositif français est meilleur que le dispositif britannique : la France fait beaucoup en termes de financement, c’est très significatif, alors que le système britannique n’a pas de force de frappe.
Conclusion France Audacieuse :
Nommée à la présidence de la Commission Innovation 2030 par le Premier Ministre, Anne Lauvergeon avait également participé aux travaux de la Commission Attali dont le but était cependant très différen t: il s’agissait de savoir comment modifier les scléroses, l’innovation n’était pas un sujet moteur.
Or l’innovation est une passion pour l’intervenante qui, tout en considérant qu’on n’arrête pas le sens de l’évolution actuelle, s’est montrée, à rebours de nombreux discours, très optimiste sur les perspectives françaises, en rappelant ses atouts et l’action volontariste positive des pouvoirs publics dans la durée.
Afin de prolonger cette intervention très éclairante, on se reportera utilement au rapport de la Commission Innovation 2030
Nathalie Kaleski – 30 juillet 2017
Comment donner voix à cette personne amorale qui a ruiné un fleuron national Areva et devrait plutôt être soit inculpée, soit en profil bas. Avec en plus un compagnon soupçonné d’enrichissement personnel sur ces malversations. Très très mal à, l’aise .