Les Débats de « Pensez-Libre »
« La place de la méritocratie en France»
Société d’Encouragement de l’Industrie
Mardi 28 février 2017
Olivier Mousson, Président de la Société d’encouragement de l’industrie, introduit la soirée en rappelant que l’association est née en 1801 à l’initiative de Bonaparte. Il est également Président de Pensez Libre.
François Cissé Adao, membre actif de Pensez Libre, introduit le thème du débat autour de « La place de la méritocratie en France » en rappelant les évidentes différences de parcours dues aux inégalités sociales, économiques, de réseau ou en lien avec l’absence de modèles inspirant une vocation. Il souligne également l’inégalité liée à la volonté ou au rêve qui manque aussi à certains jeunes qui s’autocensurent. Fort justement, il indique que la méritocratie concerne aussi l’évolution professionnelle ou la reconversion, et pas uniquement les études ou l’entrée dans la vie professionnelle. Il incite enfin le public à se tourner vers Confucius, qui a le premier porté l’idée de méritocratie, ainsi que vers Tocqueville, notant que le mot même de « méritocratie » est apparu plus récemment en 1958 avec le sociologue britannique Michael Young.
https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/aux-origines-de-la-meritocratie
Puis Bernard Monteil, Vice-Président de la Fédération de la Formation Professionnelle et Directeur Général du Groupe Cohérence, propose quelques réflexions pour alimenter le débat.
Certes, la méritocratie est l’un des fondements de la république via notamment le rôle incontournable des instituteurs. Bien que la notion de mérite soit très ancienne, la question est de savoir ce que le mérite représente encore en 2017. L’idée est bien entendu de mener vers des responsabilités, des emplois en s’appuyant sur des systèmes plus justes ou plus ouverts, liés à l’effort et l’engagement. Il ne faut toutefois pas associer la notion de méritocratie avec celle de « voie royale » visant uniquement l’acquisition de connaissances intellectuelles ou techniques. Pour Bernard Monteil, le mérite recouvre de nombreuses autres notions telles que des capacités comportementales, d’ouverture aux autres. Certes il faut des socles, mais pas des certitudes qui soient connotées et rigides. Il souligne donc l’importance de la notion de compétences derrière la méritocratie, qui est un ensemble vivant et systémique qui doit en permanence être mis à niveau. Ainsi, au-delà de la seule place de la méritocratie en France en 2017, la question est également de définir les enjeux pour la société de demain, notamment au regard de la digitalisation massive qui modifie les apprentissages et les savoirs. Concluant son intervention, Bernard Monteil rappelle les nombreux défis à relever dans cette nouvelle économie de la connaissance :
- agilité et innovation sont les deux qualités principales attendues pour pourvoir progresser en permanence.
- il existe un défi à relever lié à l’attractivité pour les jeunes de l’emploi.
- Il devient impératif de concilier les projets individuels et collectifs.
- la mobilité territoriale et intellectuelle doit être favorisée permettant d’être en capacité permanente d’apprendre et de désapprendre.
Pour redonner vie à la méritocratie, ce n’est donc pas la connaissance qui est importante mais bien plus la capacité d’engagement professionnel, social ou sociétal.
Dans ce contexte, on ne peut que souhaiter la création d’un droit universel à la formation tout au long de la vie, et pour tous … grâce aux 3 pistes suivantes :
- miser sur l’accompagnement et l’individualisation
- se recentrer sur les besoins des personnes mais pas sur les dispositifs qui s’accumulent
- passer enfin des paroles aux actes en matière d’apprentissage et de formation en alternance
Puis Sofia Benammar, avocate et membre du Club XXIème siècle prend à son tour la parole pour donner un témoignage fort à partir de son expérience personnelle. Rappelons au préalable que le Club XXIème siècle est une association de personnes issues de la diversité qui ont réussi dans leur domaine de compétence dont l’idée est d’accompagner des talents. Souhaitant en effet donner du corps aux définitions et aux récits historiques autour de la méritocratie, elle invite l’auditoire à envisager la méritocratie comme un concept individuel. Pour sa part, elle a vécu la méritocratie à travers son parcours professionnel. Issue d’une famille de 7 enfants avec un père ouvrier et une mère au foyer à Vaux en Velin, elle insiste sur le socle humain et familial très solide dont elle a bénéficié sans lequel rien n’aurait été possible. Elle souligne combien sa rencontre avec un professeur grâce auquel elle a étudié le russe en 3ème langue a été structurante : grâce à cette orientation, elle a eu la possibilité d’étudier dans un autre lycée, bien mieux coté, que celui dont elle dépendait. Sa motivation était toutefois déjà très ancrée et elle souligne combien tout le monde, sans distinction, a le droit d’être heureux. C’est cela aussi la méritocratie.
Enfin, Moussa Camara, Président de l’association Les Déterminés, qui promeut l’entrepreneuriat dans les quartiers, intervient dans le débat. Cette association a pour parrain Pierre Gattaz, Président du MEDEF qui, en 2013, s’est intéressé, hors du processus médiatique aux actions de l’association et aux blocages à lever dans les quartiers dits sensibles vis à vis de l’entrepreneuriat. Aujourd’hui, l’association forme des promotions restreintes de jeunes. Moussa Camara insiste, avec beaucoup de sincérité, sur la magnifique aventure humaine que représente cet engagement associatif. Dans l’échange, ils ont pu créer une dynamique avec des problématiques abordées sur la citoyenneté, le logement, la prévention, l’éducation scolaire, la création de passerelles et le développement économique. Il souligne que la justice sociale va de pair avec la justice économique. D’où la création de passerelles entre le monde de l’entreprise et les jeunes des quartiers. Puis ils ont accompagné l’envie d’entreprendre des jeunes. Il est convaincu que dans notre pays, il y a tous les atouts pour réussir. A ce jour, 60 jeunes ont été formés en un an et demi par Les Déterminés, et ce dans tous les domaines d’activités. 15 entreprises ont été créées. Moussa Camara confie que ces jeunes avaient confiance en eux mais pas en leur projet, et il est fier que l’association ait pu leur donner les clés pour réussir. Il conclut son intervention, très applaudie, sur cette phrase qui mérite réflexion : « Cette jeunesse mérite qu’on puisse l’accompagner ».
Puis la parole circule librement dans la salle et des échanges s’instaurent entre les intervenants et le public. Il en ressort notamment que le couple magique est la combinaison de l’envie et de la confiance. Enfin, on souligne que derrière la question de la méritocratie se pose également celle des discriminations positives notamment en faveur des femmes qui se heurtent encore et toujours au plafond de verre et aux inégalités salariales.
Stéphane Brabant, Avocat au Barreau de Paris et Vice Président de Pensez Libre, clôture la soirée en soulignant que le socle humain qui se retrouve dans la famille, qu’elle soit riche ou pauvre, est un élément essentiel de stabilité et de moteur. La connaissance technique n’est que le début du chemin et les jeunes générations ne doivent pas s’en contenter. Elles devraient garder en tête que quoique l’on en dise, nous vivons dans un pays dans lequel nous avons aujourd’hui toutes les chances de réussir.
Conclusion de France Audacieuse
France Audacieuse assistait pour la deuxième fois consécutive aux débats organisés par Pensez Libre.
Un sujet passionnant mais surtout central pour l’avenir et la cohésion de notre pays était traité ce soir là, car la méritocratie est aussi le gage de donner à chacun d’entre nous l’occasion d’être contributeur à la société et d’apporter sa pierre à l’édifice.
Travail, équité, envie, confiance et ascension sociale sont autant de valeurs qui mènent à un meilleur fonctionnement de la méritocratie, ciments parmi d’autres de notre devise républicaine.
Une fois encore, Pensez Libre participe activement au débat sur les sujets qui sont au cœur de l’équilibre de notre société, avec réflexion, engagement et pertinence.
France Audacieuse ne peut que saluer cette démarche.
Alexia Germont – 4 mars 2017
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