TRIBUNE PUBLIEE LE 25 JANVIER 2019 DANS LE HUFFPOST BLOG, par Alexia Germont
Ces dernières semaines de tensions sociales ont mis en lumière le profond malaise français. Il suffit de connaître nos territoires, d’échanger régulièrement avec les mouvements associatifs ou d’avoir participé à une campagne électorale locale pour anticiper la faible acceptation des impôts par nos concitoyens, connaître la réalité de leur mal-être et saisir l’ampleur de la colère prête à déborder.
Autant de sentiments qui sont amplifiés par la fracture territoriale.
Sans surprise, les revendications initiales des Gilets Jaunes portaient sur le trop plein fiscal. Ce n’est d’ailleurs que l’expression de la faillite d’un pays qui se complaît dans l’utilisation abusive de la dépense publique, d’où un déficit devenu abyssal. Les prélèvements obligatoires ne seront réduits que lorsque la réforme de l’Etat aura été réellement entreprise et que l’Etat lui-même ne monopolisera plus aveuglément tous les pouvoirs.
La réflexion dans le temps et autour des ronds-points a évolué vers des revendications plus politiques, allant jusqu’à la remise en cause de la profondeur démocratique de notre République voire au rejet des résultats des élections démocratiques.
La démocratie représentative gagnerait-elle à glisser vers une démocratie plus directe ?
Des idées très politisées, en support d’une envie contestataire de faire table rase de nos institutions, sont apparues dans le débat, au premier rang desquelles le référendum d’initiative citoyenne.
L’idée peut paraître séduisante, mais elle doit être maniée avec délicatesse. En effet, il est illusoire de penser qu’un peuple qui boude les urnes depuis des décennies s’intéresserait de plus près à un référendum. Utilisons plutôt les outils juridiques déjà à notre disposition. L’actuel article 11 de notre Constitution dispose qu’ «un référendum peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales». Il permet une expression plus directe du peuple. Révisons les seuils à la baisse. Développons également le référendum local, déjà prévu dans le code général des collectivités territoriales. Mais n’ayons aucune illusion. On ne saurait calquer les votations citoyennes suisses ou la démocratie directe des pays nordiques à notre organisation politique. Le peuple français est bouillonnant et très divers dans ses opinions.
Le véritable enjeu immédiat pour la République est de maintenir l’unité de la nation dans sa diversité d’opinions.
La diversité s’était d’ailleurs exprimée lors de la campagne présidentielle qui a conduit à l’élection du Président Macron. L’envie d’une nouvelle ère politique novatrice, reposant en partie sur les compétences de la société civile, avait permis de faire dialoguer entre elles des positions politiques diverses. L’ouragan macroniste a tout emporté sur son passage, l’ancien monde politique et les embryons de mouvements citoyens y compris… sauf les extrêmes toujours plus séduisants pour une part très significative de la population. Rappelons qu’au 1er tour de l’élection présidentielle de 2017, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen atteignaient 14.738.442 voix soit plus de 40% des suffrages exprimés. Emmanuel Macron rassemblait 8.656.346 voix soit seulement 24,01% des suffrages exprimés.
Au regard de ce résultat, la fragilité du socle présidentiel et la permanence dans notre pays des idées extrêmes ne sauraient donc surprendre.
« Unie dans la diversité »… belle devise, empruntée à l’Union européenne qui l’a faite sienne depuis le début des années 2000. Appliquée à notre République, la diversité d’opinions devrait être une force, par l’adjonction de visions complémentaires. L’expression des revendications de ces dernières semaines reflète la diversité d’opinions du peuple français que la République a pour mission d’unir au sein de la nation. C’est désormais une absolue nécessité de travailler ensemble, de façon harmonieuse et constructive, sans aucun tabou, prenant appui sur les territoires et les corps intermédiaires que cette crise a révélé très affaiblis.
Pour conclure, les images des violences perpétrées par des individus combattant notre République ont jeté un profond voile de tristesse dans le cœur de nos compatriotes. Les appels de certains responsables politiques à la révolution citoyenne ont tenté de mettre à mal et de fragiliser notre République. L’intérêt d’un pays qui créée de la richesse n’est que peu perçu par certains de nos concitoyens qui s’enferment dans une logique d’affrontement social. Il y a désormais urgence. Retissons le lien qui nous unit, dans un esprit de concorde nationale, en combattant néanmoins les dérives des démagogues de tous bords. A défaut, notre société sera durablement très profondément fracturée, offerte ainsi à tous les dangers.
Alexia Germont