« Ma santé 2030 : accompagner la prévention et la vitalité »
Note de prospective par Patrick Block
La récente crise sanitaire liée au Coronavirus a mobilisé un débat politico-médiatique confus et mouvementé. Nous avons entendu les catastrophistes, les immobilistes, les évolutionnistes, bref tous les experts (qui se trompent souvent mais avec autorité !). Il fallait changer notre système sanitaire jugé dégradé alors que la France, qui représente 1% de la population mondiale et 4% de la richesse mondiale, alloue 14% des redistributions sociales mondiales.
Quand on ajoute dépenses de santé et pensions de retraite et de réversion, la France est le leader mondial de la part du PIB consacrée aux dépenses sociales. Nous y consacrons 32% du budget national quand pour la moyenne des pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) les investissements nationaux sont de 20%. Un sacré écart !
Notre système social est le plus coûteux du monde
Devant les pays nordiques à 29% et l’Allemagne tant vantée à 25%, sans mentionner la Grande-Bretagne à 20% ou encore les États-Unis à 18% et il s’agit des chiffres disponibles avant la crise de la Covid-19, imaginons après… Certes, ces dépenses sociales sont liées à des taux de prélèvements obligatoires qui font de nous aussi le leader mondial de la fiscalité.
Faut-il adapter ou tout bouleverser ? Il ne faut pas dépenser davantage mais peut-être dépenser mieux. Comment ? Quel système de santé imaginer pour 2030 ?
Les Français, de plus en plus acteurs de leur santé, plus proactifs que réactifs comme dans le passé, espèrent un modèle plus résilient, plus innovant, un modèle modernisé et simplifié. Ils souhaitent que soient autant accompagnés la vitalité que le combat contre les maladies. Ils attendent plus de proximité, plus de transparence des résultats pour stimuler la concurrence par la qualité des soins et plus d’immédiateté face aux urgences lorsqu’elles se présentent.
Mais, qu’en est-il de notre système tant décrié en 2020 ?
Qu’en est-il de l’hôpital embolisé à la française que chacun juge sous-équipé mais où beaucoup se précipitent gratuitement, à la première alerte, munis de leur carte sésame vitale ? Contrairement à certaines idées reçues, il y a 6 lits de réanimation pour 100.000 habitants en France contre moins de 5 dans les autres pays de l’OCDE. Les Français peuvent se rendre dans près de 3.200 établissements dont 1.400 hôpitaux régionaux, plus de 1000 cliniques et 700 établissements privés à but non lucratif.
De surcroît, nous manquons de lits aux urgences en période de pandémie car la capacité d’accueil a baissé. Le nombre de lits disponibles a diminué depuis 2015 de 60.000 places au profit des capacités d’hospitalisation à temps partiel en hausse de 23.000 places.
Pour autant, les séjours hospitaliers sont de 25% supérieurs chez nous. Trop longs ? Mais, avec seulement 3 médecins pour 1. 000 habitants contre 4 en Allemagne ou en Suisse. Nous manquons de médecins à cause du numerus clausus installé dans les universités depuis 1971.
Pendant le confinement, les critiques concernaient surtout le fonctionnement administratif de notre système de santé, visant la gestion de l’hospitalisation et le manque d’anticipation en cas de crise. Notons au passage que les hôpitaux, qui présentent une dette de 30 milliards d’euros, connaissent une période d’économie. Une nouvelle organisation des soins articulée autour de plateformes territoriales de coordination est réclamée par les médecins et les soignants (applaudis mais épuisés et généralement sous-payés). De fait, avec 10 jours d’arrêt maladie par an, c’est 20% de plus que par rapport à la moyenne des autres secteurs d’activité.
Les hôpitaux sont de gros employeurs : à côté des 200.000 professionnels médicaux dont 20.000 internes, ce sont environ un million de personnes qui s’activent auprès des malades pour un salaire d’environ 28.000 euros à temps plein dans le secteur public et 25.000 euros net annuel dans le secteur privé. On pourrait imaginer, comme dans certains pays du nord de l’Europe, des unités intermédiaires, des centres pivots de la prise en charge ambulatoire qui éviteraient d’engorger nos systèmes prioritairement réservés aux urgences.
Modifier cette facilité bien française actuelle d’accès direct aux soins ?
Presque tous les actes sont remboursés par la collectivité, tant à la ville qu’à l’hôpital ou en biologie. La prévention est, de plus, bien organisée pour certains cancers fréquents (mammographie, colorectal, etc.).
En 2019, le système de santé français était noté 17/20 par l’OCDE quand l’Allemagne tant citée positivement par nos médias durant la crise n’obtenait qu’un 16. Bravo à la Suède, souvent évoquée également pour sa gestion pendant la crise de la covid-19, avec 19,8 devant la Norvège et la Suisse, les USA n’arrivant qu’en 21ème position.
L’évolution démographique
Certes, d’ici à 2030, le visage de la France va considérablement se modifier, notamment, en premier lieu, la démographie. Les « plus de 65 ans » d’aujourd’hui représenteront en 2030 un quart de la population soit quasiment 17 millions de 70 millions d’habitants. Une longue espérance de vie n’est pas synonyme de bonne santé. Une bonne santé se caractérise davantage par le fait de prendre plaisir à la vie et de pouvoir faire ce que l’on veut. Chacun dira que l’espérance de vie a augmenté. Oui, dans la longévité mais non à bonne santé égale et suivant la classe sociale. Plus longue est la vie, mais souvent avec des problèmes chroniques. La prévention est donc la clé.
Notre révolution sociétale veut passer du « cure » au « care »
Notre système de soins devra accompagner et gérer près de 2 millions de personnes dépendantes et suivre 25% de patients atteints de maladies chroniques ou de poly-pathologies en ville ou en Ehpad. Toutefois, rappelons que 14 millions de Français aujourd’hui ne sont pas connectés à l’internet. Il nous faut donc soigner également l’illectronisme. Sans oublier, sans ordre de priorité : la crise de la psychiatrie montrée récemment du doigt par une enquête parlementaire et avec une prise en charge catastrophique par des centres saturés, la pollution, les addictions, l’alimentation, le stress, les résistances diverses qui devront également être prises en considération.
Des maîtres-mots apparaissent déjà : sécurité, protection, décloisonnement, confiance, éthique, prévention. Cela implique une meilleure information sur les comportements à adopter en développant une politique incitative. Ce pourrait être le rôle des complémentaires santé au service de l’innovation en matière de prévention. Notre système solidaire devra également prévenir les risques environnementaux.
La santé au travail
Les seniors ne sont pas les seuls concernés. Agissons aussi sur la santé au travail qui pourrait être enseignée dans les écoles de commerce et les universités car elle contribue à la prévention, maître-mot de la santé de nos jours. Or, depuis la loi de 1919 sur la réparation des pathologies professionnelles jusqu’à la loi de 2019, peu de progrès ont été réalisés en cent ans. Enfin, en 2021, il est prévu l’intégration du « dossier médical en santé au travail » au dossier médical personnalisé (DMP). De la fatalité à la prévention ? Créons pour les travailleurs un système VIP : Visite + Information + Prévention.
Les déserts médicaux
Selon de récents sondages, environ 10% de Français se plaignent de ne pas trouver de médecins proches de chez eux ou connaissent des temps d’attentes trop longs pouvant aller jusqu’à plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous chez le spécialiste recherché.
On imagine les déserts médicaux dans les zones rurales reculées, dans nos belles montagnes ou dans les départements ultra-marins. L’Ile-de-France est aussi dans certains arrondissements de Paris ou départements limitrophes un désert médical dû au montant des loyers, de l’insécurité, des difficultés d’avoir des secrétariats très disponibles ou d’installer des accès pour handicapés. L’évolution récente de la télé-médecine, de l’Intelligence Artificielle mais aussi, surtout dans certaines zones plutôt rurales, le rôle des médecins retraités a pu pallier les manques de praticiens. Leur engagement, leur éthique mais aussi la loi de 2004 leur permettant de cumuler retraite et honoraires complémentaires a été un facteur d’encouragement. La réforme des retraites modifiera-t-elle cette situation ?
Références à l’appui des chiffres cités : PLFSS 2017 & 2018. Rapport de la Cour des Comptes Octobre 2018. Rapports de l’OCDE. Le Figaro Économie. FHP : Fédération hospitalière de France. Drees : Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques. Statistiques INSEE. FIRPS : Fédération des Intervenants en Risques Psychosociaux.
13 septembre 2021