Tony ESTANGUET et Bernard LAPASSET, co-Présidents du Comité d’organisation de la candidature « PARIS 2024 », ont adressé leurs félicitations à Emmanuel Macron, nouveau Président élu, dès la proclamation des résultats. Le chef de l’Etat prouve son attachement à cette candidature du monde du sport en programmant dans les premiers jours de son quinquennat une rencontre avec les membres de la Commission d’Evaluation du Comité International Olympique (CIO) venus pour apprécier cette candidature à Paris du 13 au 17 mai. Cet échange sera déterminant pour que ce « pari » se transforme en « Paris 2024».
Rappelons que la décision finale du monde olympique sera prise au Pérou, à Lima, le 13 septembre prochain pour choisir la ville retenue entre Los Angeles et Paris, suite une élection lors de la 130ème session du CIO. Cette rencontre est la bienvenue: elle intervient après un silence total pendant la campagne présidentielle sur les choix proposés aux Français en matière de politique sportive.
L’actualité olympique est donc l’occasion pour France Audacieuse de faire le point sur les pratiques sportives et les valeurs qu’elles véhiculent (1), sur le poids du phénomène sportif et olympique en France (2), ainsi que sur son organisation actuelle (3).
1 – Pratiques sportives et valeurs
Le sport est une activité à multiples facettes, activité physique codifiée qui permet une auto-évaluation et/ou une évaluation de sa propre performance par rapport à celle des autres. Notons qu’il s’agit de l’une des rares activités, exerçable individuellement ou collectivement, pour laquelle un citoyen vient, de sa propre volonté, se soumettre à une règle.
Le sport dit individuel est favorable à l’écoute de son propre corps et de sa propre pensée. Il permet de bien « remplir » son enveloppe corporelle par une perception saine de ses grandes fonctions. Le sport individuel existe également en opposition avec un autre sportif. Ce sont en général les sports dits de « combat ». Ces sports sont extrêmement formateurs car ils apprennent à respecter l’adversaire, le comprendre et l’anticiper. Soulignons que les arts martiaux, au même titre que le tir à l’arc, le tir sportif ou les divers escrimes, forment des individus en grande maîtrise d’eux-mêmes.
Le sport collectif se définit comme une action à plusieurs au cours de laquelle l’action de l’un influence grandement l’action de l’autre ou des autres coéquipiers. Ces jeux s’effectuent en opposition avec une autre équipe. Par leur facilité de compréhension, ces sports collectifs sont devenus des spectacles et conduisent parfois à des manifestations de spectateurs en foule non maîtrisables. L’argent, les paris, les enjeux politiques sont venus polluer la pratique des meilleurs. Heureusement, la réalité de la pratique des jeunes peut encore être relativement préservée.
En effet, au-delà de la bonne santé engendrée par une activité physique contrôlée, les valeurs portées par le sport sont nombreuses :
- Le respect de soi permettant le respect des autres
- L’acceptation de la règle
- Le goût de l’effort
- L’apprentissage de l’humilité
- L’auto-évaluation, individuelle ou face au collectif
- La pratique de la concentration
- La recherche de l’excellence
- La maîtrise de soi, physique et mentale.
Le sport est donc porteur de valeurs fortes qui sont sources d’amélioration individuelle. De fait, la pratique sportive peut être vue comme un domaine social structurant, également facteur de cohésion sociale, qui doit être encouragé par les pouvoirs publics, car levier d’un meilleur vivre ensemble.
Loin de la déviance du sport spectacle, la pratique sportive de nos millions de jeunes citoyens en club sportif local, animé par des bénévoles, est source incontestable de mixité sociale. Ce que la République a perdu en supprimant le service militaire obligatoire, pourrait être partiellement réintroduit par la pratique continue chez les jeunes d’un sport, notamment en milieu difficile.
La pratique sportive est un donc un levier redoutable de solidarité, de proximité et d’engagement individuel et sociétal.
2 – Le phénomène sportif et olympique en France
En terme de population concernée, le phénomène sportif représente un enjeu considérable puisque le mouvement sportif français compte environ 16 millions de licenciés auprès des fédérations sportives, soit un réel pouvoir politique plus ou moins exploité d’ailleurs.
La dépense sportive nationale atteint 38,1 milliards d’euros en 2013 soit 1,8% du PIB. Cette dépense provient pour 18,2 milliards d’euros de l’administration publique, pour 16,6 milliards des ménages et pour 3,3 milliards des entreprises (source Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Chiffres Clés Du Sport, 2017).
L’impact de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris en 2024 (JOP 2024) a été chiffré par le Centre de Droit et d’Economie du Sport de Limoges (source : Dossier de candidature de Paris 2024, Phase 1).
Les retombées économiques attendues avoisineraient les 10,7 milliards d’euros et la création de 247.000 emplois liés serait anticipée. Les impacts économiques concerneraient l’organisation, la construction et le tourisme. L’organisation des JOP 2024 toucherait 3,5 milliards de téléspectateurs, avec 20.000 journalistes attendus et 15.000 athlètes compétiteurs. 12 millions de billets seraient en vente. La contribution du CIO s’établirait à 1,5 milliards pour l’organisation des JOP 2024.(Source : CDES, 2016, Etude d’impact, candidature Paris 2024).
De surcroît, l’organisation des JOP 2024 serait incontestablement porteuse de lien social, de cohésion inter-générationnelle et d’enthousiasme citoyen voire patriotique.
Enfin, des retombées ultérieures en terme d’infrastructures sportives sont à attendre permettant de positionner la France comme pays susceptible d’accueillir dans des conditions optimales des manifestations sportives de très grande envergure. Cet élan pourrait être amplifié grâce à l’accélération en parallèle du Grand Paris.
Au-delà de ces impacts économiques et chiffrés, la force du sport comme outil de « soft power » est donc également considérable. Si le vainqueur individuel est honoré, les pays participants ont l’obsession du classement établi au nombre de médailles d’Or, d’Argent et de Bronze remportées. En effet, le classement des pays participants démontre indirectement leur force politique et économique, tout autant que leur rayonnement et leur influence.
3 – L’organisation actuelle de la gouvernance sportive
L’encadrement juridique et réglementaire de la pratique sportive et du sport de haut niveau connaît un niveau de complexité extrême.
A telle enseigne, il est bien difficile d’effectuer une synthèse des organismes en charge de la gestion du sport en France. Cette complexité n’est que le reflet de l’enchevêtrement des textes applicables et des organismes en charge. Pour preuve, de nombreuses strates se superposent voire s’entrechoquent rendant difficilement lisible l’orientation politique poursuivie en matière de sport.
Rappelons toutefois quelques repères bienvenus :
- Le Comité National Olympique Français (CNOSF) représente, sur le territoire national, le Comité International Olympique (CIO) et, à ce titre, il remplit notamment les missions liées au Mouvement Olympique et aux Jeux Olympiques. Il est également le représentant des fédérations sportives sur le territoire national et à l’international.
- Les fédérations sportives, placées sous la tutelle du Ministre chargé des Sports, animent le sport français sur le territoire. Sont en revanche sous la tutelle du Ministre chargé de l’Education nationale, les fédérations sportives scolaires et universitaires. Les fédérations sportives sont soit agréées ce qui conditionne l’obtention d’aides étatiques, soit simplement délégataires.
- Le Ministère chargé des Sports porte la charge de la définition de la politique nationale du sport. Il s’appuie dans son action sur des administrations centrales, territoriales et le maillage des établissements nationaux : 22 Directions Régionales de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale (DRJSCS), 50 Directions Départementales de la Cohésion Sociale (DDCS) et 46 Directions Départementales de la Cohésion Sociale et de la Protection de la Population (DDCSPP).
- 23 établissements publics nationaux, sous tutelle du ministère, contribuent à la mise en œuvre de la politique sportive. Parmi ces établissements figurent notamment, pour les plus connus :
- le Centre National pour le développement du Sport (CNDS), qui contribue au financement du développement du Sport en France,
- l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance (INSEP) est particulièrement centré sur le haut-niveau,
- 17 Centres d’Education Populaire et de Sport (CREPS) qui hébergent notamment les sportifs de haut niveau sur tout le territoire.
- les collectivités territoriales et structures intercommunales qui aident au développement de la pratique sportive et notamment celle du haut-niveau.
Notons, que le dernier Président de la République ayant réellement structuré le sport est le Général de Gaulle. Son action a notamment donné un cadre au sport de haut niveau en mettant en place des cadres techniques d’Etat placés auprès des fédérations sportives.
Aujourd’hui, la complexité du système sportif tel que décrit ci-dessus est pour partie l’expression de la superposition d’une multitude d’intervenants souvent bien éloignés du grand élan sportif initial.
Conclusion
Si le Président Macron souhaite mettre en place une politique audacieuse pour le sport français, il devra tout d’abord envisager la simplification du système actuel de gouvernance et faire un choix courageux au sein des différentes options envisageables.
L’intervention de l’Etat, dans le domaine du sport, se justifie notamment par sa participation à trois finalités fondamentales :
- la cohésion sociale
- l’amélioration de la santé publique
- le rayonnement de la France dans le monde.
Pour faire pleinement entrer le mouvement sportif français dans une approche efficace et performante, l’équipe gouvernementale devra effectuer des choix structurants prenant en compte les nouvelles contraintes en terme de ressources budgétaires, humaines et territoriales. Les partenariats public-privé devraient pouvoir trouver un essor nouveau pour alléger autant que possible la charge de l’Etat, à l’instar du mouvement amorcé en matière de Défense nationale.
L’avenir du sport français dépend donc des orientations politiques qui seront choisies.
Jean-Richard GERMONT
Inspecteur général J&S (H)
Sportif de haut niveau – Participant aux JO de Munich 1972