Jill Biden, une femme discrète mais bien présente, Les regards décalés d’Ariane Sauvage, correspondante de France Audacieuse en Californie
Dernière ligne droite dans la campagne présidentielle aux États-Unis. Au sein de France Audacieuse, nous aurions pu traiter le sujet sous des angles multiples : le changement climatique, les affrontements raciaux, la préservation du système de Sécurité sociale, ou Obamacare, la position des États-Unis dans le monde, et bien sûr la gestion de la pandémie du Covid-19 sur le territoire américain qui aura rythmé cette campagne atypique.
Sujets amplement abordés par les deux candidats en lice, le président sortant, Républicain, Donald Trump, et son challenger, le Démocrate Joseph Biden.
Cependant, nous avons été frappés par le nombre de femmes présentes dans cette campagne 2020 et l’avons perçu comme une vraie évolution dans l’Amérique du XXIème siècle. Selon le site Center for Responsive Politics, l’impact des femmes sur la campagne, qui était déjà apparue lors des mid-terms de 2018, a continué d’augmenter en 2020.
Leurs donations s’élèvent en effet à presque 1,7 milliard de dollars, un nouveau record par rapport à celui de 1,3 milliard de la campagne de 2016. 43% des donateurs cette année sont des femmes, le plus haut pourcentage jamais enregistré.
Comme il serait impossible de parler d’elles toutes, nous avons choisi de présenter celle qui peut-être en Janvier poussera la porte de la Maison Blanche : Jill Biden, compagne incontournable du candidat démocrate.
Joe Biden est un homme qui sait choisir son entourage féminin. La plus célèbre est sans aucun doute Kamala Harris, la très brillante procureure générale, puis Sénatrice de Californie qu’il a sélectionnée comme colistière dans sa conquête du pouvoir. On le sait beaucoup moins, mais il a aussi une sœur, Valérie Biden Owens, qui est depuis soixante-dix ans son plus grand soutien dans ses activités politiques, ayant managé entre autres ses sept campagnes sénatoriales.
Et enfin on trouve son épouse, un peu plus connue et tout aussi importante, Jill Biden. Il y a un adage à Washington qui dit que les conjoints font rarement des vagues mais peuvent parfois être un embarras. lI y a fort à parier qu’avec elle, ce ne sera ni l’un ni l’autre.
Jill Jacobs est née dans le New Jersey en 1951, à Hammonton, ville connue surtout comme la capitale mondiale de la myrtille. Son père a fait la guerre en Europe, puis est devenu directeur de banque, la mère s’occupe de la maisonnée.
La famille s’installe en Pennsylvanie, Jill est l’ainée de quatre sœurs. Parcours classique à l’école où elle se découvre très tôt une passion pour la littérature anglaise et le désir de mener sa propre carrière. Mariée en premières noces à 19 ans avec un étudiant footballer, dont elle se sépare en 1973, elle interrompt ses études et fait un peu de mannequinat pour arrondir ses fins de mois.
La légende raconte que Joe Biden aurait vu sa photo sur un abri bus et son frère lui aurait procuré le numéro de la belle. Elle raconte : « C’était en 1975. Je ne fréquentais que des garçons en jean et sabots. Quand j’ai vu arriver Joe avec ses mocassins et sa veste, je me suis dit : « Non, ça ne marchera ja-mais ! ». Mais il l’emmène au cinéma voir « Un Homme et une Femme » de Claude Lelouch, et leur histoire commence. Ah… l’importance des films français dans les affaires du vaste monde!
Il doit quand même la demander cinq fois en mariage avant qu’elle n’accepte. Il faut reconnaître que le cas n’était pas facile. Alors que tout semblait lui sourire, Biden sortait lui-même d’une tragédie. Il venait d’être élu à 29 ans Sénateur du Delaware, il était marié et père de trois enfants jusqu’à ce qu’un accident de voiture n’emporte sa femme et sa petite fille d’une semaine avant Noël 1972. Il a prêté serment à l’hôpital dans la chambre qu’occupaient ses deux fils rescapés.
Tout en se demandant s’il n’allait pas arrêter là sa carrière. Joe et Jill finissent cependant par se marier en 1977 et s’installent dans le Delaware. Elle prend à cœur d’élever les deux garçons qu’elle adore, puis donne naissance à une fille, Ashley, en 1981. Dans divers interviews, Joe Biden explique sans hésiter que Jill est celle qui a ramené la stabilité et une famille dans sa vie : « Et elle me connaît. Mieux sans doute que je ne me connais moi-même. ». Avec ses cheveux blonds, ses yeux bleus, ses ongles impeccables, son look robe à fleurs/jupe et chemisier, voici Jill Biden établie. Elle pourrait ne camper qu’une aimable élégante Côte Est issue de la capitale mondiale de la myrtille ? Trop simple.
En fait, à cinq ans déjà, elle mettait son poing dans la figure d’un garçon qui embêtait sa petite sœur. Beaucoup plus récemment, on l’a vue à la Convention démocrate en Août 2020 se mettre en travers de son mari et d’une manifestante agitée qui venait de sauter sur la scène. « Vous voyez ? Je n’ai plus besoin du Secret Service. », plaisante Joe. Oui, derrière les bijoux discrets, affleure un tempérament de soldat, infatigable et déterminé. Ou comme l’exprime une journaliste dans un interview : «Mrs Biden est un curieux mélange de grace and grit , de grâce et d’audace ».
Entre les enfants et la maison, madame Biden n’a jamais arrêté de travailler comme professeur dans différents lycées. En 2007, elle passe son Doctorat en Science de l’Éducation. Quand son mari devient Vice-Président des États-Unis, elle déclare à l’équipe en place qu’elle a bien l’intention de continuer à travailler. On lui fait poliment remarquer que c’est impossible…puis on se résigne durant les deux mandats de Barack Obama à voir Dr Biden se déplacer toujours avec un gros cartable rempli de devoirs à corriger.
Dans un interview télévisé, Michèle Obama évoque avec une réelle complicité le bon temps où Jill et elle partageaient les exigences de leurs charges, et que “Jill continuait sans relâche à noter les devoirs de ses élèves dans l’avion qui les emportait dans les voyages officiels. »
C’est ensemble que les deux femmes, qui ont développé une profonde entente, ont aussi lancé Joining Forces, des initiatives diverses pour manifester leur soutien aux militaires et à leurs familles. “C’était bien normal“, raconte Jill Biden, “mon père était dans l’armée, notre fils Beau faisait à l’époque la guerre en Irak. Notre pays a beaucoup exigé de ses soldats, et ils ont toujours été pour moi une source d’inspiration. »
En 2015, le couple Biden affronte ensemble une nouvelle tragédie : enterrer ce fils, Beau Biden, emporté par une tumeur au cerveau, un chagrin qui explique probablement pourquoi son père ne s’est pas présenté contre Donald Trump en 2016, laissant le champ libre à Hillary Clinton. Dans un autre interview, Jill dira : « Je crois que notre cœur n’arrêtera jamais de saigner. Cependant il faut savoir retrouver un sens à sa vie. »
Aujourd’hui, Dr Biden, ancienne seconde épouse, professeur de lettres anglaises, grand-mère de 69 ans, est donc lancée depuis des mois dans sur le sentier de la guerre de conquête que représente une campagne présidentielle. Aux journalistes qui lui posent des questions sur les nombreuses attaques de Donald Trump envers son époux ou sa famille, la dame Côte Est se ferme instantanément : « Non, et Non » est toujours sa réponse, « Je ne vais pas perdre mon temps à commenter ce genre de choses, je n’ai aucune envie de me mettre au même niveau que lui. Autre question ?»
Dans un échange virtuel que Dr Biden a eu la semaine dernière avec le groupe de rock Pearl Jam, parmi les innombrables conversations sur Zoom que les équipes de campagne organisent depuis des mois, elle n’a cessé d’évoquer le chaos qui entoure l’Amérique en ce moment et la hâte d’en sortir ; de prêcher l’union entre les citoyens plutôt que de les dresser les uns contre les autres ; l’irresponsabilité des autorités fédérales devant les drames de la pandémie, qui a révélé tant de disparités sociales.
Cette semaine, elle accompagnait son mari en Pennsylvanie, puis dans le Delaware à leur centre de vote avant de s’envoler seule pour le Maine afin de soutenir la candidate Démocrate dans sa campagne Sénatoriale. Sera-t-elle donc celle qui va s’installer à la Maison Blanche en janvier prochain ? Réponse dans quelques heures.
Ariane Sauvage.