Le dossier des Panama Papers est fascinant. Il jette une lumière crue sur les contradictions de notre société.
Contradictions de l’establishment qui feint de s’étonner de la survenance de ce scandale. Nous avions d’ailleurs souri lorsque Nicolas Sarkozy avait affirmé en 2009, à la veille d’un sommet du G20, que « les paradis fiscaux, c’est fini ! ». Opération à l’époque, au choix, de pure communication ou d’autosuggestion car l’industrie des paradis fiscaux pèse quelques 6000 milliards de dollars. Un gros morceau à éradiquer.
Contradictions des personnalités citées dans ce scandale qui tentent de se dédouaner en avançant de nombreux arguments plus fragiles que solides. Car je vais être directe : créer une société offshore dans un paradis fiscal est inutile, sauf à vouloir être dans l’illégalité ou exercer une réelle activité économique dans ce pays. Mais on parle alors d’activité onshore et vous m’autoriserez un euphémisme : il est fort peu probable que ce soit leur intention.
Contradictions de nos gouvernements successifs puisque le Panama a été sorti par la France de la liste des ETNC (Etats et Territoires Non Coopératifs) au 1er janvier 2012 après la signature d’une convention avec les autorités locales sur la lutte contre l’évasion fiscale. La France s’empresse aujourd’hui de réintégrer ce pays sur cette liste, découvrant ainsi sa non coopération réelle… qui n’est pourtant une surprise pour personne.
Contradictions médiatiques, enfin, puisqu’à l’heure où tout est public, 109 rédactions, coordonnées par l’ICIJ (le Consortium International des Journalistes d’Investigation) ont su préserver la confidentialité absolue de leur enquête. Un miracle absolu.
Pourtant, ce scandale des Panama Papers étouffe dramatiquement le mouvement d’assainissement des paradis fiscaux entamé en 2009 : leur nombre a réellement diminué. Mais cette consolidation n’est pas encore achevée. La convention de l’OCDE sur l’échange automatique de données a été signée ces dernières années par de nombreux pays dont le Luxembourg, Singapour ou la Grande-Bretagne et ses iles.
Alors que notre démocratie suffoque, minée par de nombreux maux, un fossé de plus en plus dangereux sépare les citoyens qui acceptent le système de ceux qui s’en détournent illégalement. La société civile gronde et elle s’en souviendra.
Retenons que la marche est lancée. On ne peut pas dire que rien n’a changé sous le soleil du Panama. Il fait déjà plus gris dans les paradis fiscaux.
Alexia Germont