Une fois encore, les militaires de l’opération Sentinelle ont été la cible d’une attaque à Orly et ont neutralisé l’agresseur.
L’occasion ici de faire un état des lieux sur cette force militaire qui vient en appui du plan Vigipirate et mobilise à ce jour quelques 7000 soldats sur l’ensemble de notre territoire, dont la moitié est concentrée en Ile-de-France. Cette force d’appui a été déployée suite aux attentats de janvier 2015.
Dès le mois de février de cette même année, trois militaires postés devant un centre communautaire juif avaient été agressés au couteau à Nice. Puis en janvier 2016, un homme au volant d’une voiture avait pris pour cible quatre militaires en faction devant une mosquée à Valence, dans la Drôme. Enfin, en février dernier, un homme armé de machettes s’était précipité sur une patrouille au Louvre.
Notons que l’attitude des militaires de l’opération Sentinelle avait été critiquée lors des attentats du Bataclan, n’ayant pas utilisé leurs armes. Depuis lors, suite au rapport de la commission d’enquête parlementaire Fenech-Pietrasanta, les patrouilles ne sont plus statiques mais sont devenues dynamiques et les possibilités d’ouverture de feu ont été assouplies, en cas de légitime défense.
Quelques réflexions techniques et libres dans le ton s’imposent sur le matériel dont bénéficient ces militaires.
Ils portent des équipements divers dont des armes à feu, de poing et d’épaule.
- On ne peut que regretter qu’en ce qui concerne les armes de poing, le matériel soit étranger… et pour les armes d’épaule, mis à part nos FAMAS en fin de vie, le matériel confié aux spécialistes le soit également. De surcroît, à ce jour, nous ne fabriquons plus les munitions nécessaires à cet équipement. En cas de tension avec les pays fournisseurs, nous n’aurons plus ni cartouches pour recharger, ni pièces détachées pour nos armes. Certes, le Ministre de la Défense a annoncé la remise en route d’une manufacture de munitions militaires pour armes légères. Mais celle-ci n’aurait jamais dû disparaître, pas plus que la fabrication de nos armes individuelles.
- Au regard du terrorisme urbain auquel nous sommes désormais confrontés, le choix des calibres des armes utilisées par Sentinelle est inadapté : le fameux 5,56×45 OTAN ou .223 Remington est un petit calibre très rapide. L’adoption de cette munition par l’armée française fait suite au choix par l’armée américaine de ce calibre, en 1964, pour des tirs en rafales adaptés aux combats de jungle au Vietnam, à courte distance et sans visibilité. Les tirs dits de « saturation » sont donc à l’opposé de ceux nécessaires à l’antiterrorisme en zone urbaine qui visent à stopper net l’assaillant avec un minimum de coups tirés pour éviter les dégâts collatéraux sur les passants. Or, en balistique, pour arrêter une charge, il faut un diamètre de balle élevé et un poids de balle le plus lourd possible… pour obtenir une vitesse initiale de balle pas très rapide, mais un résultat constant et sûr. Tout l’opposé des munitions utilisées par l’opération Sentinelle.
Les journalistes spécialisés « police-justice » qualifient souvent les fusils d’assaut « d’armes lourdes ». C’est une erreur technique, puisqu’il s’agit en réalité d’armes « légères », totalement inadaptées pour lutter contre le terrorisme urbain. Le nombre de coups tirés pour mettre hors d’état de nuire les agresseurs parle de lui-même : pour ce dernier assaut à Orly, le procureur de la République fait état de huit coups tirés et l’assaillant semble avoir été touché plusieurs fois.
Néanmoins, rien n’interdit de sécuriser plus encore l’exercice la mission de ces militaires, désormais indispensables pour assurer la sécurité de nos compatriotes. Ce n’est pas le fruit du hasard si les militaires confrontés au corps à corps ont toujours demandé une évolution de leur armement. En effet, pour leur arme de poing, le retour au calibre .45 ACP (en Irak) serait judicieux car il stoppe sans transpercer et est donc sans risque pour les passants derrière l’assaillant. Un Glock existe tout prêt dans ce calibre, pouvant même s’équiper d’une crosse et d’organes de visée optiques… Pour leur arme d’épaule, devant intervenir au milieu de la population, une petite carabine semi-automatique serait adaptée. Il est à ce jour difficile de changer les mécanismes des fusils d’assaut. Mais il serait envisageable, dans le cadre de la relance de notre industrie nationale de fabrication de munitions et de matériels, de mettre au point une 9mm à balle lourde sur un calibre de .38 Super Auto qui, simplement en changeant le canon, permettrait de disposer à frais minimum d’un fusil mieux adapté aux tirs urbains.
Pour conclure, le mérite des militaires de l’opération Sentinelle n’en est que plus grand, car équipés d’un matériel mal adapté aux nouvelles circonstances, ils réussissent néanmoins à faire front aux attaques sans dégâts collatéraux. Rien n’interdit cependant au Ministre de la Défense et à nos experts militaires de faire preuve d’audace en faisant de cette inadaptation technique une opportunité de relance de notre industrie nationale de munitions et de matériels.
Jean-Richard GERMONT
20 mars 2017