«S’occuper des plus faibles, ce devoir que le politique sous-traite aux associations» par le Docteur Jacques HASSIN
Tribune publiée dans le Huffington Post le 17 octobre 2017
Célébrée tous les 17 octobre, cette journée est née de l’initiative du père Joseph Wresinski, fondateur de l’association ATD-Quart Monde et des milliers de personnes qui se sont rendus sur le parvis des Droits de l’Homme en 1987. Cet évènement est soutenu par les Nations Unies depuis 1992. Faire entendre leurs voix et laisser s’exprimer les plus pauvres sur leurs conditions de vie, mobiliser citoyens et responsables publics sur le parvis des droits de l’homme et de la liberté. Faire entendre que la misère est une violation des droits humains fondamentaux. Il s’agit surtout d’affirmer que la misère n’est pas fatale et peut être combattue et vaincue comme l’ont été l’esclavage et l’apartheid.
Comment concevoir qu’en créant les restos du cœur, Coluche imaginait qu’au lieu de disparaître, les restos allaient prendre en charge un public de plus en plus nombreux… Et pourtant nos concitoyens ont réalisé, effarés, qu’en France des personnes et des familles ne mangeaient pas à leur faim. Comment Joseph Wresinski aurait-il pu imaginer qu’on célébrerait encore 30 ans après cette journée avec en France 8,8 millions de personnes soit 14,1% de la population française en dessous du seuil de pauvreté fixé à 1008 € pour une personne seule. Comment survivre, c’est-à-dire manger, dormir avec toit sur la tête avec les 545 € du RSA (au 1er septembre 2017) ?
Comment persuader les politiques qu’au-delà du pèlerinage rituel du 17 octobre où l’on s’attriste un peu du sort des plus pauvres, un seuil sera forcément atteint un jour où l’autre qui mettra en péril la cohésion sociale et la trace que notre civilisation laissera dans l’histoire. Plus grave à mon sens, je pense à ces millions d’enfants sacrifiés, vivants dans la survie et la pauvreté. La seule façon de lutter pour que la misère ne s’auto-reproduise pas c’est avec le travail de nombreuses associations, qui grâce au soutien scolaire, à la médecine préventive et au suivi psychologique des enfants les plus en difficulté, permettent de prendre en charge la mère pour que l’enfant vive sa vie d’enfant et non pas comme assistant de sa mère. Il est souvent le seul à savoir lire et à comprendre les arcanes administratives. Est-ce qu’un soutien scolaire peut permettre à un enfant de sortir de son destin implacable ? On pourrait d’ailleurs associer cette journée à la celle des femmes tant la misère concerne des familles monoparentales.
Je ne peux m’empêcher de reproduire le texte de la dalle apposée sur le parvis des Droits de l’Homme avec ce texte de Joseph Wresinski : « Le 17 octobre 1987 des défenseurs des droits de l’Homme et du citoyen de tous pays se sont rassemblés sur ce parvis. Ils ont rendu hommage aux victimes de la faim, de l’ignorance et de la violence. Ils ont affirmé leur conviction que la misère n’est pas fatale. Ils ont proclamé leur solidarité avec ceux qui luttent dans le monde pour la détruire. Là où des Hommes (et surtout des femmes et des enfants) sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’Homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré ».
Alors que faire ? Le duc de La Rochefoucauld-Liancourt présidait le Comité de la mendicité en 1793. Il avançait que c’était un devoir sacré de la nation que de s’occuper de ses maillons les plus faibles. Cette fonction du politique a été sous-traitée aux associations. Que dire de la mobilisation admirable de ces citoyens bénévoles d’ATD Quart-Monde en particulier avec leur université populaire, d’Emmaüs, du Secours Populaire, du Secours catholique, de ces associations de quartier qui font de l’alphabétisation, du soutien scolaire, voire de l’accès à la culture avec culture du cœur et de bien d’autres. Mais ils écopent la barque de la misère avec une petite cuillère.
Alors pour conclure en 2017 : Il y 31 ans Coluche, à la création des restos, disait de son ami l’Abbé Pierre : « Il est bien seul l’abbé alors on va lui donner un coup de main »… Y-a-t-il autre chose à ajouter si ce n’est : « A l’année prochaine avec le même éditorial daté d’un an de plus ».
Dr Jacques HASSIN
16 octobre 2017